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vendredi 27 septembre 2013

Jean-Marc Cosset, silence radium

GÉRARD THOMAS
On le dérange au téléphone alors qu’il anime un atelier de curiethérapie (traitement radioactif des tumeurs) dans un hôpital de Nice. Le lendemain, il s’envole pour le Congrès mondial de radiothérapie à Atlanta. Dès son retour en France, il doit participer à un colloque… Le professeur Jean-Marc Cosset, 67 ans, a beau dire qu’il a «levé le pied», il reste l’un des responsables du département de cancérologie radiothérapie à l’Institut Curie, fait un mi-temps à Montsouris et a ouvert une consultation dans un autre établissement parisien. Auteur d’une «vingtaine de bouquins scientifiques» et de plusieurs centaines d’articles parus dans les revues internationales de médecine, il a aussi tâté du polar pour la première fois il y a trois ans avec Paname Sniper(Odile Jacob).

Pinceaux. Son Radium Girl est le fruit d’une étonnante symbiose entre sa spécialité médicale, la dramatique histoire sociale du début du XXe siècle aux Etats-Unis et un genre littéraire, le roman noir, fort éloigné des publications scientifiques dont il est accoutumé. Et pourtant.«C’est un thriller de fiction où 75% des faits sont authentiques», lance-t-il en rappelant qu’il a juste rebondi sur les faits réels pour «faire justice à ces pauvres filles».
En 1927, Grace Fryer et quatre autres ouvrières de l’entreprise US Radium située à Orange (New Jersey) intentent un retentissant procès à leur employeur. Depuis plus de dix ans, avec une centaine de jeunes femmes, elle utilise la peinture au radium Undark pour rendre les cadrans de montres lisibles dans le noir. Pour effiler leurs pinceaux, les contremaîtres conseillent d’en sucer la pointe puisque la peinture serait inoffensive.«Pendant ce temps, les ingénieurs et chimistes de l’US Radium qui travaillaient à l’étage au-dessus de l’atelier de peinture se protégeaient des radiations en utilisant des écrans en plomb»,explique Jean-Marc Cosset. Anémies, fractures osseuses, nécroses de la mâchoire et tumeurs cancéreuses des os se développent chez plusieurs ouvrières. Mais la puissante US Radium sortira quasiment blanchie d’un procès durant lequel les plaignantes sont malmenées par des avocats pourris, des scientifiques corrompus et des médecins parjures. A l’issue des audiences, elles ne toucheront qu’une indemnité dérisoire. «Elles ont pourtant été victimes des tout premiers cas de cancers induits par les rayons, précise Cosset. Tous les ans lors de mes cours, je rapportai leur histoire à mes étudiants.»
Humiliations. L’auteur situe son action trois ans après le procès. Grace Fryer a survécu tandis que les principaux responsables des humiliations subies par les «radium girls» sont assassinés les uns après les autres. A commencer par le fils du patron d’US Radium qui est écrasé dans sa voiture au pied d’un viaduc en compagnie d’une beauté édentée. Les autres suivent, tous victimes de mortelles irradiations. «J’ai réglé les comptes, s’amuse Cosset. Et ceux qui avaient péché par le radium disparaissent par le radium.» Mais qui tue ? Sacrée énigme pour les inspecteurs James Chadwick, dit le Manchot, et son équipier Rudy, apparemment bien trop porté sur le flacon.
Une juste vengeance dans l’Amérique de la grande dépression où Al Capone tisse son empire du crime et où Sacco et Vanzetti divisent l’opinion publique. Sur un swing de Gershwin et en souvenir de Tommy, un petit nounours démantibulé gris sale laissé orphelin. A prescrire d’urgence.
Jean-Marc Cosset, Radium Girl, Odile Jacob

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