Avant de formuler ses propositions d'amélioration le 11 juillet prochain, la CNAMTS a dressé un constat. À l'aide d'une cartographie par pathologies, elle confirme son approche par processus de soins et imagine des marges via la pertinence des soins et les segments d'offres transversaux.
Analyse médicalisée de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), impact du vieillissement et des soins aux personnes âgées, marges sur les processus de soins et la pertinence des soins, marges d'efficience dans certains segments d'offre de soins, voilà les quatre grands chapitres du rapport charges et produits 2013-2014 (première partie "constats") présenté ce 4 juillet au conseil de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), qui formulera ensuite dans une seconde partie des propositions (présentation le 11 juillet).
Dans une première partie, l'assurance maladie confirme sa nouvelle approche de l'analyse des dépenses de santé, non plus par structuration de l'offre de soins (hôpital, ville, dentistes, infirmiers, médicaments...) mais par grand type de pathologie et de besoin de soins (combien de prises en charge du cancer ou des maladies cardiovasculaires et à quel coût, quels problèmes de santé aux enjeux importants en nombre de personnes concernées et en coût, quel recours au système de soins pour des épisodes ponctuels, des soins ambulatoires courants ou des opérations de chirurgie...). Une approche déjà initiée en 2012 (lire nos sujets du 10/07/2012 et du 17/07/2012). Ainsi, ambitionne-t-elle par cet éclairage complémentaire de "mieux articuler le débat sur les moyens et celui sur les finalités du système de soins et les objectifs de santé publique". L'amélioration des systèmes d'information de l'assurance maladie contribue en effet à approfondir l'analyse pour chaque pathologie et processus de soins. Une finesse qui permet de rechercher des voies d'amélioration et d'optimisation des ressources.
Une cartographie par pathologie
L'assurance maladie a établi dans cette logique une cartographie des dépenses par pathologie (pathologies cardiovasculaires ; diabète et autres facteurs de risque cardiovasculaire ; cancers ; pathologies psychiatriques et psychotropes ; pathologies neuro-dégénératives ; asthme, BPCO et insuffisance respiratoire chronique ; insuffisance rénale chronique terminale ; maladies inflammatoires, rares et VIH ; maladies du foie et pancréas ; autres affections de longue durée ; maternité ; hospitalisations ponctuelles ; traitements analgésiques AINS hors catégories précédentes ; soins courants) hors établissements médico-sociaux et certains fonds (MIGAC, FMESP, FAC, FIR). En dépenses globales, le trio de tête se compose des épisodes hospitaliers ponctuels soit (en 2011) 29,9 milliards d'euros (21% du total), des pathologies psychiatriques et psychotropes avec 22,6 milliards (15%) et du diabète (15,7 milliards - 11%). L'analyse détaillée des séjours confirme le poids majeur des pathologies lourdes et chroniques (63% des dépenses totales) et fait émerger des situations de recours aux soins plus limités (maternité 6% et hospitalisations ponctuelles 21%) ainsi que l'importance des ressources consacrées aux pathologies psychiatriques. Elle souligne par ailleurs l'impact en termes de coût des maladies neurologiques et dégénératives, en lien notamment avec le vieillissement de la population.
En parallèle des dépenses globales, l'assurance maladie appréhende la situation par l'épidémiologie. Considérant les 58,8 millions de bénéficiaires du régime général ayant reçu des soins remboursés au cours de l'année 2011, le trio de tête se maintient sans surprise mais dans un ordre différent : les hospitalisations ponctuelles laissant la première place au diabète et autres facteurs de risques cardiovasculaires. Et d'offrir également une photographie de cette nouvelle cartographie en lien avec l'âge, la répartition géographique, les combinaisons de pathologies, les types de soins... d'en étudier les évolutions entre 2010 et 2011 ou bien encore d'effectuer des regroupements de patients.
Ainsi cette cartographie réalisée à partir des données médico-administratives permet de dresser un portrait de l'état de santé aux âges élevés et la fréquence des différentes pathologies. Et de nourrir la réflexion sur les priorités de santé publique et les programmes définis tel le Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA). L'assurance maladie explique par exemple que "la combinaison de certaines pathologies dont on peut penser qu'elles conduisent à un risque fort de fragilité (...) peut être un élément de repérage de situations devant faire l'objet d'une attention particulière". L'analyse de la qualité des soins fournis à cette population à risque ainsi identifiée, permet alors de fixer des objectifs d'amélioration, précise-t-elle. Et ce n'est qu'un exemple.
Poursuite de l'approche par processus de soins pour cinq autres cas
Comment dès lors mieux prévenir et prendre en charge ces pathologies, dont beaucoup touchent des personnes âgées souvent polypathologiques dans le cadre des ressources financières disponibles ? L'Assurance maladie répond que "ce défi ne peut être relevé que par une exigence accrue d'efficience des soins, avec deux objectifs" : prodiguer au patient des soins pertinents et les organiser de façon à optimiser les coûts. Des marges existent pour ces deux aspects, assure-t-elle. Et pour les identifier, elle avait développé une approche par processus de soins dans son précédent rapport portant sur six pathologies, aujourd'hui poursuivie pour cinq autres processus : trois concernant la chirurgie fonctionnelle (chirurgie de la cataracte, pose de prothèse de hanche et chirurgie du canal carpien) et deux relatifs à des pathologies chroniques (prise en charge de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les soins délivrés aux patients ayant des plaies chroniques). Des marges d'efficience sont alors recherchées.
La voie de la pertinence des soins ouverte pour quatre pathologies
Pour d'autres processus, c'est la question de la pertinence des soins qui est étudiée. L'Assurance maladie rappelle d'ailleurs qu'elle a engagé une démarche depuis plusieurs années avec la Haute autorité de santé (HAS) pour cibler les comportements atypiques en considération d'une combinaison d'indicateurs. "Les premiers résultats d'analyse des dossiers dans les établissements de trois régions (Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes et Bourgogne) apparaissent confirmer le bien-fondé des indicateurs de ciblage, souligne-t-elle, puisque, sur la base d'un examen de 30 dossiers par établissement, les taux d'interventions jugées inopportunes au regard des référentiels de la HAS s'élèvent de 53% à 77% pour l'appendicectomie et de 33% à 73% pour la chirurgie du canal carpien dans les établissements ciblés." Elle se pose désormais la question d'étendre ce modèle à d'autres soins et interventions et ouvre cette possibilité pour quatre pathologies : la chirurgie de l'obésité, les thyroïdectomies, le traitement du cancer de la prostate ou encore la cholécystectomie pour lithiase vésiculaire et interventions d'amygdalectomies, adénoïdectomies et poses d'aérateurs transtympaniques. Et de s'interroger sur "la palette des actions pour modifier les comportements dans le sens d'une meilleure pertinence" car si les revues de pairs sont aujourd'hui l'instrument privilégié dans le cadre de la gestion du risque des ARS, d'autres leviers peuvent être mobilisés.
Une optimisation transversale possible
Enfin au vu de la transversalité de nombreuses interventions, d'autres marges d'optimisation sont analysées par secteur. Et de citer le recours à la chirurgie ambulatoire, aux médicaments, aux transports et soins infirmiers. Pour ne prendre que l'exemple des transports, l'assurance maladie ilustre que les mesures principalement axées sur les offreurs de soins depuis 2006 ont certes permis de ralentir l'évolution de ce poste mais elle relève aussi une dynamique variable selon les modes de transports. En outre, l'analyse par pathologie montre que sur les 3,7 milliards d'euros de dépenses (65,4 millions de trajets) en 2012, 23% concernent les patients atteints de cancer, 17% des patients en insuffisance rénale chronique terminale, 15% des pathologies psychiatriques et 15% des pathologies cardiovasculaires. Ouvrant ainsi sur une nouvelle voie d'amélioration. Nul doute que les propositions qu'elle dévoilera le 11 juillet en tiendront compte.
Pia Hémery
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