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samedi 6 juillet 2013

Deux mille ans de bitures

Chez les Gaulois, Rabelais ou au XXIe siècle : tous des buveurs, mais pas du même tonneau.

On se souvient de son ouvrage sur la cigarette, Histoire d’une allumeuse (Payot, 2010). Après le tabac, l’alcool. Didier Nourrisson poursuit son voyage dans les petits vices de l’humanité en retraçant l’histoire de l’ivrognerie depuis deux mille ans. Une histoire sans fin car «boire est à la fois un acte d’identité - pour s’affirmer en s’affichant - et un acte de conformité - pour s’intégrer en ingérant»,écrit l’historien.
Crus et cuites, histoire du buveur : le titre est au passage un clin d’œil au célèbre essai de Claude Lévi-Strauss, le Cru et le Cuit.
 Cette rétrospective permet de revenir sur certains clichés. Tout d’abord celui du Gaulois, qui n’est pas le «pochtron» amateur de cervoise qu’on se représente. Dans cette image d’Epinal, «tout ou presque est fallacieux et repose sur les témoignages douteux des vainqueurs romains», relayés par les historiens du XIXe siècle (Henri Martin, Jules Michelet…) et perpétrés au XXe siècle dans les albums des pères d’Astérix, René Goscinny et Albert Uderzo.
Au Moyen Age, le vin se bonifie à l’ombre des monastères, il «oscille désormais entre le cru et la cuite», et se met à la table des seigneurs. C’est à cette époque que naît l’image de l’ivrogne, fermement condamné par l’Eglise. Avec la Renaissance, changement de décor, le breuvage fait son entrée en littérature ; il est célébré par Rabelais et Ronsard. De nouveaux lieux s’ouvrent pour le consommer : cabaret, auberge, café, buvette, etc. Et de nouvelles boissons voient le jour.
A en croire Montaigne, les femmes ne sont pas les dernières à lever le coude. Entre le milieu du XIXe siècle et le milieu du XXe, le peuple de France s’imbibe. En 1850, on compte un débit de boisson pour 100 habitants. Un record qui tiendra durant un siècle. Il faut attendre la fin des années 60 pour voir le débit diminuer avec les premières campagnes de prévention.
Le buveur du XXIe siècle, lui, est «tourmenté», explique Nourrisson.«Il se dédouble. Il est "raisonné" : il boit raisonnablement avec goût, réflexion, avec modération, et en même temps il est assagi, contrôlé, réprimé aussi, bref éduqué.»
Didier Nourrisson consacre enfin un chapitre aux abstinents - des«imbéciles ou des hypocrites», selon Baudelaire. Des buveurs d’eau dans un livre sur l’alcool. Il faut le boire pour le croire.
Crus et cuites, Histoire du buveur de Didier NourrissonPerrin, 396 pp

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