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samedi 11 mars 2023

Au rapport Petite enfance : face à une situation préoccupante, des pistes pour améliorer l’offre d’accueil

par Elsa Maudet  publié le 10 mars 2023

Alors que le gouvernement souhaite lancer un service public de la petite enfance, le Haut Conseil de la famille formule ses propositions et dresse un état des lieux inquiétant de l’accueil des enfants de moins de 3 ans en France.

Comment rendre effective la promesse d’Emmanuel Macron de créer un service public de la petite enfance ? Alors que le gouvernement a lancé, ces derniers mois, des concertations visant à définir cette future offre, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) vient de rendre deux rapports sur l’accueil des enfants de moins de 3 ans. Le premier dresse un état des lieux de l’offre et le second formule des propositions pour voir se concrétiser ce service public, demande récurrente de parents comme de professionnels depuis plusieurs années, soutenue notamment par le Conseil économique, social et environnemental dans un avis paru l’an passé.

«Pourquoi il faut faire un service public ? Parce qu’il y a un écart significatif entre les attentes des familles et l’offre existante», résume Michel Villac, président du Conseil de la famille du HCFEA. De fait, 56% des parents gardent eux-mêmes leur bébé, alors qu’ils ne sont que 36% à souhaiter le faire. Deux enfants sur dix sont gardés par leur proche famille (les parents dans l’écrasante majorité des cas, les grands-parents dans une moindre mesure) faute d’avoir obtenu une place en crèche ou chez une assistante maternelle.

La situation est d’autant plus préoccupante que l’offre d’accueil du jeune enfant, déjà insuffisante, baisse depuis 2017. Le nombre d’assistantes maternelles diminue, de même que les places à l’école pré-élémentaire (pour les enfants de 2 ans) et les places en crèches municipales, départementales et associatives. Seules les places dans les crèches privées à but lucratif se développent.

Renforcement des inégalités

Conséquence : «Une interruption ou une diminution d’activité pour un des parents, en général la mère», souligne le HCFEA. En outre, dit Michel Villac, «toutes les études montrent que le fait d’avoir une socialisation à l’extérieur, de rencontrer d’autres adultes que ses parents, de jouer avec des petits camarades du même âge, a des effets importants en termes de développement et de socialisation».

Comme souvent, tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Et «ce qui est inquiétant, c’est que les évolutions que l’on observe sur cinq ans montrent plutôt un renforcement de ces inégalités», prévient Michel Villac. Les communes aisées et le centre des métropoles proposent beaucoup plus de solutions de garde que les territoires excentrés, ceux dont la population a les plus faibles revenus et en outre-mer. «Marseille présente la situation la plus inégalitaire entre quartiers bien couverts (72% dans le VIe) et très mal couverts (20% dans le IVe, pourtant un des plus pauvres)», précise le rapport.

Alors que la crèche est le mode de garde le plus plébiscité par les parents (35% la placent en premier choix) et le moins onéreux, ils ne sont que 18% à y avoir accès comme mode de garde principal. Seules 15% des communes proposent des berceaux. «Le nombre de places en crèche est particulièrement élevé dans les communes les plus aisées et près du centre des grandes aires urbaines. De plus, ces dernières années, l’offre a progressé dans les communes déjà bien dotées, alors qu’elle a diminué dans certaines petites communes ou dont les habitants ont des revenus modestes, ce qui renforce les inégalités antérieures», alerte le HCFEA.

20% des enfants sont majoritairement accueillis par une assistante maternelle, ce qui en fait le premier mode de garde extra-familial. On trouve des assistantes maternelles dans près de sept communes sur dix, principalement «dans les aires urbaines de taille moyenne et notamment dans leurs périphéries périurbaines».

Pas de droit opposable à la garde d’enfant

Dès lors, que faire ? Le gouvernement a fixé pour objectif de créer 200 000 places d’accueil de la petite enfance d’ici à 2030. Irréaliste au regard des difficultés de recrutement que connaît le secteur. Le HCFEA lui-même ne table que sur 100 000 places. Et même là, «ça suppose qu’il y ait un budget à la hauteur», note Michel Villac. Or la dépense publique en la matière a baissé en moyenne de 0,8% par an entre 2013 et 2021.

Le président du Conseil de la famille insiste : il ne faut pas rater le coche de la négociation en cours entre l’Etat et la Caisse nationale des allocations familiales autour de la Convention d’objectifs et de gestion, qui sera valable cinq ans. «S’il n’y a pas grand-chose là-dedans, il n’y aura pas grand-chose dans les cinq ans», assène-t-il.

Le HCFEA ne reprend pas à son compte la demande d’un droit opposable à la garde d’enfant – qui garantirait aux parents un mode d’accueil  «qu’on sera incapables de mettre en œuvre compte tenu des inégalités» – Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon l’avaient proposé durant la présidentielle. Il préfère suggérer que le service public de la petite enfance assure à tous les enfants de moins de 3 ans dont les parents sont actifs une place d’accueil à temps plein et à tous ceux dont au moins un des parents n’a pas d’activité professionnelle une place à temps partiel, «dans un objectif de socialisation».

Des «mesures spécifiques» devraient être mises en place dans les départements et régions d’outre-mer (sauf en Martinique), en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d’Oise et dans les départements corses, où la situation est particulièrement tendue. «Sinon on ne va pas s’en sortir», lâche Michel Villac.

«Prioriser les quartiers défavorisés»

Le HCFEA plaide pour le lancement d’un plan national de soutien aux maisons d’assistantes maternelles, ces regroupements de trois, quatre professionnelles, dans un lieu dédié. Le Haut Conseil voit là une sorte de compromis entre les crèches, coûteuses à développer pour les collectivités locales, et les assistantes maternelles qui accueillent les enfants chez elles, ce qui impose d’avoir suffisamment d’espace et dont l’aspect de huis clos inquiète certains parents.

L’institution appelle également à développer la possibilité pour les assistantes maternelles d’être salariées par des structures prestataires, comme c’est le cas pour les aides à domicile, ce qui offrirait «un statut plus protecteur et serait plus rassurant pour les parents».

Conscient que les crèches restent le mode de garde le plus plébiscité, le Haut Conseil propose qu’il y en ait au moins une par établissement public de coopération intercommunale, autrement dit par communauté d’agglomération, communauté de communes, etc. Il souhaite «prioriser les quartiers défavorisés des grandes agglomérations».

Aussi intéressantes soient-elles, ces pistes ne prennent pas en compte le point le plus crucial : l’énorme difficulté du secteur de la petite enfance à recruter. Comment proposer des places supplémentaires s’il n’y a pas de professionnelles pour les assurer ? Le HCFEA renvoie aux travaux, en cours, du comité de filière petite enfance, chargé de plancher sur cette épineuse question.


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