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lundi 9 janvier 2023

Santé publique Mois sans alcool : «En France, tout est fait pour qu’on lève le coude»

par Charles Delouche-Bertolasi  publié le 7 janvier 2023

Malgré la tenue de la quatrième édition du «Dry January» dans l’Hexagone, l’Etat persiste à ne pas soutenir une opération de santé publique de grande ampleur pour lutter contre les ravages de l’alcool, regrette William Lowenstein, le président de SOS Addictions.

A l’échelle mondiale, l’alcool représente le troisième facteur de risque de morbidité, après l’hypertension artérielle et le tabac, selon les autorités sanitaires. Pourtant, le président de SOS Addictions, l’addictologue William Lowenstein, déplore une politique française de prévention de l’alcool qui s’étiole d’année en année. A Libération, il rappelle l’importance d’une opération efficace et validée par les professionnels de santé de prévention de la consommation d’alcool telle que le «Dry January», une campagne qui encourage à ne pas boire pendant un mois, en janvier. Un dispositif qui devrait être selon lui largement soutenu par l’Etat français comme il l’est au Royaume-Uni depuis sa création en 2013.

Quelle place occupe selon vous l’alcool dans nos consommations et plus généralement dans notre culture ?

Dans ce pays, il faut s’armer pour ne pas boire. En France, tout est fait pour qu’on lève le coude. Du vin de messe aux grands crus, c’est notre culture de pays producteur qui prime, avec un secteur qui représente quelque 800 000 emplois pour 15,5 milliards d’euros d’exportations. C’est énorme. Que peut faire la santé face à ce poids-là ? C’est le ministère de l’Economie qui décide, bien plus que le ministère de la Santé, sur le sujet. Le facteur économique est écrasant avec ce que ça suppose de lobbying. On a la série Mad Mensur les lobbies du tabac, où est la série sur l’alcool en France ?

Comment analysez-vous la politique française en matière de prévention autour des dangers de l’alcool ?

Il n’y a quasiment rien dans le programme santé du quinquennat Macron autour de l’usage de l’alcool. On a une politique très faible en matière de prévention et elle s’étiole de plus en plus depuis vingt ans. Je n’ai jamais cru au grand chamboulement de nos modes de vie pour les raisons socioéconomiques qu’on connaît, mais nous n’avons pas été assez loin dans nos politiques autour de l’alcool.

On pourrait y parvenir via l’angle de la sécurité routière, car l’alcool représente un tiers des morts sur la route. De même avec la question des femmes enceintes mais aujourd’hui on voit que 1 % des naissances sont touchées par des troubles de l’alcoolisation fœtale. Une femme sur dix déclare avoir consommé de l’alcool occasionnellement durant la grossesse. Ça peut entraîner des malformations terribles à la naissance, des troubles du développement et, plus tard à l’adolescence, des troubles relationnels, intellectuels et des problèmes neurocognitifs.

Chez les jeunes en 2017, 20 % des 18 à 24 ans ont connu au moins 10 ivresses au cours de l’année. 59 % des jeunes de 11 ans ont déjà consommé de l’alcool, 72 % à l’âge de 13 ans et 90 % à l’âge de 17 ans. Si on faisait les mêmes mesures avec d’autres drogues ça nous impressionnerait. Il faut appliquer la loi auprès des jeunes.

Quels sont les bienfaits d’un dispositif encourageant une pause dans sa consommation d’alcool, particulièrement après les fêtes de fin d’année ?

Le «Dry January» est une bonne opération de santé publique efficace et validée. Elle devrait être soutenue par l’Etat. Les années ont montré que les participants consommaient moins d’alcool, même six mois après leur mois sans alcool. Surtout, ça permet d’échapper au tout ou rien, à la thérapie de l’idéal. Au bout d’un mois, on est déjà mieux. Que ce soit sur la qualité du sommeil, les angoisses, le bien-être, la qualité de vie. Les Anglo-Saxons l’ont montré avec pragmatisme. On commence par arrêter un mois, c’est déjà très bien.

Mais en France, l’économie l’emporte encore sur la santé publique alors qu’on manque cruellement d’informations autour de l’alcool. On fait une opération sur le cancer du sein, avec un ruban rose, mais on n’évoque pas et on sous-estime le rôle de l’alcool dans ce cancer et dans beaucoup d’autres maladies. Il n’est pas question de supprimer l’alcool ni le vin. Il est possible d’avoir des stratégies de réduction des risques dans bien des domaines. Sur la sécurité routière, on a fait des progrès et obtenu des résultats, mais nous n’avons pas supprimé la voiture pour autant.


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