Publié le 07 janvier 2023
CHRONIQUE
Guillemette Faure
Pour ces grands-mères, le succès d’un réveillon de Noël se mesure au nombre d’enfants et de petits-enfants réunis autour de la table. Mais les familles d’aujourd’hui, remodelées par les séparations, ont tendance à contrarier leurs ambitions fédératrices.
Le temps de trouver une date qui convienne à chacun, avec les divorces et les familles recomposées puis décomposées, la saison des fêtes familiales court désormais sur une période presque aussi longue que celle des vœux des entreprises et des galettes des rois d’intercommunalités. Mais alors que les consignes de distanciation physique interdisaient depuis deux ans de trop se vanter du nombre de personnes rassemblées autour de sa table, la fin des confinements a remis au goût du jour un sport disparu : le concours de la grand-mère qui réunira le plus d’enfants et de petits-enfants à Noël. On pourrait croire que des fêtes réussies se mesurent à la fraîcheur des huîtres et des discussions, mais le vrai critère de perfection pour ces dernières, c’est en réalité de pouvoir dire dans les jours qui suivent : « On était tous là. »
A quoi on les reconnaît
Les grands-mères « on était tous là » ont vite abandonné l’idée du réveillon du 24 décembre : parmi leurs enfants, un au moins est séparé, ce qui démultiplie les risques d’absence et accroît la difficulté pour trouver la date parfaite. Mais elles visent les jours qui suivent ou les week-ends de janvier pour la galette des rois. Pour fixer le jour, ces mamies œcuméniques demandent en priorité leurs disponibilités à leurs enfants qui ont divorcé le plus récemment. Si la réunion familiale ne se tient pas à leur domicile, elles se déplacent avec leurs décorations et leur couronne de Noël. Après avoir dit : « On était tous là », elles ajoutent : « A part… » et quelques prénoms. Elles donnent les excuses des absents (de garde à l’hôpital, en mission sur une plate-forme pétrolière… les autres alibis ne comptent pas). Elles tiennent les comptes avec les belles-familles concurrentes, leur trouvent des avantages injustes (« un chalet à la montagne, on ne peut pas rivaliser »). Si elles ont malgré tout des convives manquants à leur Noël décalé, elles expliquent que les autres grands-mères sont en moins bonne santé qu’elles et méritaient davantage la présence des enfants. Elles ne veulent pas savoir que leurs petits-enfants, en comptant l’invitation chez les parents du nouveau copain de leur mère, en sont parfois au septième réveillon en dix jours. Elles sont les dernières de leur rue à abandonner leur sapin sur le trottoir – qui sait, un dernier Noël inopiné aurait pu surgir à tout moment.
Comment elles parlent
« C’était chez nous cette année et on était une vingtaine. » « Il ne manquait que… » « Brigitte a eu de la chance, tous ses enfants étaient là. » « Si on fait ça en mai, au moins on pourra être dehors. » « L’année prochaine, ce sera chez nous. » « On n’était que tous les cinq mais c’était très bien quand même. » « Quand t’as quatre enfants et qu’ils ont des amours… » « J’ai fait open bar samedi et dimanche. »
Leurs grandes vérités
Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas retrouvés tous ensemble. Ce n’est pas tous les jours que… En janvier, le foie gras est moins cher.
Leurs questions existentielles
A partir de combien de mentions de leur prénom faut-il inviter les petits copains des ados ? Est-ce un service à leur rendre ? Si c’est Noël qu’on fête en janvier, est-ce qu’on peut s’abstenir de Dry January ce jour-là ?
Leur Graal
Prendre une photo panoramique de la table dressée avec tous ses couverts. « Photoshoper » les images pour rajouter les absents.
La faute de goût
Demander à celui qui est arrivé dans la famille le plus récemment de prendre la photo plutôt que d’utiliser le retardateur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire