par Jonathan Bouchet-Petersen publié le 9 janvier 2023
On n’avait pas attendu qu’Emmanuel Macron en soit à l’affiche pour découvrir et apprécier les Rencontres du Papotin. Mais l’interview du président de la République, après celles de personnalités du monde de la culture comme l’acteur Gilles Lellouche, la comédienne Camille Cottin ou le chanteur Julien Doré, a donné une résonance particulière à cette émission d’une rare humanité, diffusée samedi sur France 2. Basique, le principe est toujours le même : l’invité est soumis à une batterie de questions ou de prises de parole de la part d’une assistance composée d’une cinquantaine de personnes de tous âges, «porteurs de trouble du spectre autistique» à des degrés divers. Le tout sans animateur vedette pour prendre la lumière. Depuis plusieurs années, les mêmes, journalistes non professionnels, publient le journal le Papotin, créé en 1990. Ce n’est pas la première fois qu’ils interrogent des politiques, mais le passage de l’écrit à l’oral renforce à la fois la singularité et l’audience d’un tel exercice.
Artifices de communication
Chaque fois, sans une once de misérabilisme, le résultat est tout sauf banal tant le ton, le rythme et le fond des interrogations formulées bouleversent l’invité comme les téléspectateurs. Parce qu’ils ne s’embarrassent d’aucun code, et surtout pas ceux des interviews journalistiques classiques, ils transpercent la carapace des invités et les artifices de communication derrière lesquels se réfugient ceux – et a fortiori les politiques – dont une partie du métier consiste à répondre toujours aux mêmes questions. Ici, pas de limites, les questionneurs interpellent d’un ton tour à tour poétique et direct, parfois les deux à la fois, sans la contrainte de ce qu’on appelle bêtement la normalité. Avec un naturel désarmant et diablement efficace, notamment quand les questions se font plus personnelles et même intimes. Dans un tel contexte, les habituels éléments de langage ne sont d’aucune utilité.
Presque sans pudeur
On ne va pas ici déflorer le contenu de l’émission diffusée samedi et qu’on invite chacun à regarder en replay comme on découvre un objet à part et précieux. En se prêtant à l’exercice, Emmanuel Macron, dont l’image s’est profondément abîmée depuis son irruption sur la scène politique peu avant la présidentielle de 2017, fait bien sûr de la communication. Il n’empêche. Face aux journalistes du Papotin, c’est bien davantage l’homme que le chef de l’Etat – lequel n’a pas fait de l’humanité la boussole de son action politique – qui se donne à voir presque sans pudeur mais sans que jamais cela apparaisse impudique. Même s’il est rompu à la maîtrise de sa parole et qu’on a eu bien souvent l’occasion de constater combien il est à la fois bavard et à l’aise dans l’exercice du question-réponse, cette interview sans équivalent fait dire à Macron des choses qu’il n’avait jamais dites ou en tout cas pas ainsi. Il ne s’agit pas d’être naïf, mais de prendre ces échanges pour ce qu’ils sont : des moments d’humanité comme la télévision en produit peu. Et l’occasion pour chacun de mesurer la richesse de l’altérité. A la fin de l’émission, on ne se lève pas en disant «vive Macron !», mais on a très envie de crier «vive le Papotin !».
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