Nancy Cattan Publié le 04/10/2022
L’initiative est unique dans la région. Psychologue hospitalière à Cannes, Sonia Gérard propose aux personnes en situation de souffrance psychique de participer à des cafés philo. Immersion.
L’initiative est unique dans la région. Photos N. C.
"Vous direz, dans votre article, qu’en psychiatrie, vous avez rencontré des gens intelligents? Qu’on n’est pas des fous?" "On dit de nous qu’on est des malades, il y a même des gens qui ont sonné ici (à l’hôpital de jour associé au service de psychiatrie de l’hôpital Simone Veil à Cannes, Ndlr) pour demander: est-ce qu’il y a des gens dangereux?" Les mots de Véronique, Nathalie, Kader et Jacqueline, qui participent ce jour où nous les rencontrons à un café philo organisé par Sonia Gérard, docteure en psychologie (lire ci-dessous), disent le poids des stéréotypes associés à la maladie psychique. Et la prison dans laquelle ils enferment ceux qui en sont atteints, peu importe le diagnostic. "Ici je me sens libre. Libre notamment de dire que partout ailleurs je ne suis pas libre. Que je n’ai jamais été libre", témoignera ainsi Véronique au cours des échanges.
"La femme est là pour l’homme"
La liberté, une notion particulièrement importante pour ces patients soumis à de nombreuses injonctions, médicales, familiales, sociales... La liberté ou la possibilité d’agir selon sa propre volonté. En sortant du cadre très fermé, dessiné par cette maladie psychique qui tend à les définir. C’est à cette réflexion que Sonia Gérard essaie de conduire les personnes qui participent au café philo qu’elle a lancé il y a quelques mois. Et, ce mardi, comme à l’accoutumée, elle commence par inscrire sur le grand tableau blanc une formule célèbre d’un philosophe. Aujourd’hui, ce sera "L’existence précède l’essence", du philosophe Jean-Paul Sartre (1). Sonia se tourne ensuite vers la petite assemblée. "Quelle est, selon vous, la signification du mot 'essence'?" Silence. Chacun réfléchit. La question n’est pas aisée, Sonia en est bien consciente et elle va doucement guider le groupe. "En philosophie, l’essence, c’est la définition de quelque chose. Ce serait quoi l’essence d’un être humain? À quoi est-il destiné?" Les réponses sont timides. "À vivre, se nourrir?", propose Kader. D’autres lui emboîtent le pas, avec des suggestions diverses que Sonia commente avec bienveillance. Et elle va continuer d’accompagner les réflexions. "Et l’essence plus précisément d’une femme?" C’est un peu l’embarras.
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