par Lilian Alemagna publié le 30 novembre 2021
Comme bien d’autres sujets sociaux, la question a été à peine effleurée lors des différents débats de la primaire désignant cette semaine le candidat Les Républicains à la présidentielle. Le thème a, certes, animé le début de campagne d’Anne Hidalgo, lorsque, à peine déclarée partante pour l’Elysée en septembre, la socialiste a promis de «doubler» le salaire des professeurs avant de noyer sa proposition sous le feu des critiques à droite… comme à gauche. L’organisation de l’école ? Les différents aspirants à l’Elysée n’en font, jusqu’ici, pas une priorité. Le bilan d’Emmanuel Macron, qui a laissé Jean-Michel Blanquer battre le record de longévité à l’Education nationale ? On en causera peut-être dans quelques mois… Et pourtant, selon l’enquête d’opinion réalisée par notre partenaire Viavoice, deux Français sur trois (66 %) ne jugent «pas assez importante» la place occupée par «l’école et l’éducation […] dans la campagne présidentielle». 21 % jugent que le sujet est à «la place qui convient» et 6 % seulement qu’on en parle trop. Voilà un sujet qu’il est temps de porter pour les différents candidats de gauche qui peinent à se faire entendre dans une précampagne marquée par les thématiques sécuritaires et réactionnaires portées par l’extrême droite et une droite extrémisée.
«Inquiétude», «déception» et «tristesse»
Car selon ce sondage, il y a urgence à renouveler l’espoir en l’école. Quand on demande aux membres de notre panel de livrer leurs «sentiments» vis-à-vis de la «situation de l’école et de l’éducation», les personnes interrogées ressentent avant tout «de l’inquiétude» (69 %), de la «déception» (48 %) et de la «tristesse» (24 %). Seuls 18 % disent avoir «de l’espoir», 9 % «de la confiance» et 2 % à peine «de la joie». Cette «inquiétude» très partagée (78 %) «interroge tant sur la place de l’école dans son rôle d’émancipation intellectuelle que sur sa place dans son rôle d’émancipation affective, personnelle, humaine, analysent Adrien Broche et Stewart Chau, auteurs de cette enquête chez Viavoice pour Libération. Si l’on s’accorde pour attribuer théoriquement à l’école républicaine d’être, même dans les crises les plus dures, le dernier vivier d’espoir à tenir, cet enseignement est préoccupant.»
En effet : les personnes interrogées par Viavoice n’ont plus «confiance dans l’école pour réduire les inégalités» (54 % contre 35 %). Et cette défiance est bien plus marquée dans l’électorat de droite et d’extrême droite ou chez les parents d’enfants de moins de 18 ans, concernés au quotidien par la question scolaire. «Cette inquiétude sur l’avenir de l’école se nourrit d’une vision “décliniste”de notre école en France», poursuivent Adrien Broche et Stewart Chau qui y voient le «symptôme d’un pays qui doute» : 38 % des personnes interrogées pensent que «l’école a tendance à creuser les inégalités», 13 % seulement à les «réduire», 42 % répondent «ni l’un ni l’autre».
Les sympathisants de droite et du RN sont les plus sévères
Dans ce tableau très sombre, le bilan d’Emmanuel Macron et de Jean-Michel Blanquer à l’Education nationale est jugé très sévèrement : 78 % des personnes interrogées estiment que «la situation de l’école et de l’éducation en France, ces cinq dernières années», s’est «dégradée» (51 % répondent «plutôt» et 27 % «tout à fait»), 13 % jugent la situation meilleure qu’avant l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Les sympathisants de droite et du RN sont les plus sévères : pour respectivement 88 % et 80 % d’entre eux, la situation s’est dégradée. 78 % pour ceux de gauche. Mais même dans le camp du Président, on se montre déçu à 58 %.
Chez Blanquer et à l’Elysée, on répondra qu’une telle politique éducative – dédoublement des classes de grande section de maternelle, CP et CE1 en zone d’éducation prioritaire, réforme du bac et du lycée, baisse de l’instruction à 3 ans… – met forcément du temps à produire des effets. Et on pointera que le chef de l’Etat est jugé comme «le plus à même d’apporter des réponses efficaces» en la matière. Sauf qu’il ne réunit que 11 % des sondés, devant Marine Le Pen (10 %), Eric Zemmour (6 %) et Xavier Bertrand (5 %). La gauche arrive ensuite avec Jean-Luc Mélenchon (4 %), Anne Hidalgo (3 %) et Yannick Jadot (1 %). Preuve de ce sentiment d’impuissance vis-à-vis des futurs candidats à la présidentielle : près de la moitié des personnes interrogées n’a confiance, pour s’occuper de l’école, en… personne.
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