Publié le 3 décembre 2021
Dans la jungle de notre sélection se croisent des cochons, des girafes, un loup mal dans sa peau, un chimpanzé timide… mais aussi un super-héros, un prof à part et une drôle de Blanche-Neige.
Dans la jungle de notre sélection se croisent des cochons, des girafes, un loup mal dans sa peau, un chimpanzé timide… mais aussi un super-héros, un prof à part et une drôle de Blanche-Neige.
« Du voyage » : hommage à ces profs magiciens
Tout le monde n’a pas grandi dans une caravane. Tout le monde n’a pas une mère aux sabots qui font clac-clac. Tout le monde ne se fait pas traiter de Manouche dans la cour de récré, comme Geronimo. Mais tout le monde a connu cela : un prof pas tout à fait comme les autres. Un qui comprend sans même qu’on parle, qui écoute et qui donne à écouter, qui ouvre des portes cadenassées. Le petit Geronimo le rencontre sous la forme de Monsieur Chouraud. Bien avant d’avoir terminé ce roman pour jeunes lecteurs, on a tous en tête le visage d’un ancien maître ou maîtresse inoubliable, un de « ces profs magiciens qui nous font voyager entre quatre murs », comme l’écrit Emmanuel Bourdier. Clara Georges
« Du voyage », d’Emmanuel Bourdier et Thomas Baas, Flammarion Jeunesse, 96 p. Dès 8 ans.
« Blaise, Isée et le Tue-Planète » : l’hymne à la nature préservée de Claude Ponti
Il eut été étonnant que Claude Ponti ne consacrât point un album entier aux sévices que subit la Terre. C’est chose faite avec cette aventure d’Isée, venue solliciter l’aide du poussin Blaise et de ses congénères pour réparer les dégâts commis dans la galaxie par un redoutable Tue-Planète. Celui-ci n’y est pas allé de main morte : dérèglement climatique, densification urbaine et migration de populations ont épuisé et démoli l’univers tout entier. Seule la mort de l’affreux vilain – une mort « panikifolante et pleine de sang », dont on ne verra rien – permettra de reconstruire un monde nouveau et apaisé, espère Ponti dans cet hymne sans concession à la nature. Frédéric Potet
« Blaise, Isée et le Tue-Planète », de Claude Ponti, L’Ecole des loisirs, 44 p. Dès 6 ans.
« Pas Moi » : les coupables idéaux
Il y a des monstres chez vous. L’un est tout rouge avec des oreilles pointues, et il s’appelle Pas Moi. Le deuxième est rose et poilu, il répond au doux nom de Pas Vrai. Et le troisième, Pas Juste, est bleu ciel et franchement pervers. Vous ne les avez jamais vus ? Vraiment ? Essayez d’accuser vos enfants d’avoir fait une bêtise, ou d’avoir laissé traîner leurs chaussettes, et promis-juré, ils apparaîtront comme par miracle. A lire avec un jeune roi du bazar et de la mauvaise foi. C. G.
« Pas Moi », d’Elise Gravel, Nathan, 40 p. Dès 5 ans.
« Jeux pour animaux » : dis, girafe, tu veux jouer ?
Jouer avec son chat est une chose. Avec son chien en est une autre. Mais avec des animaux peu ou pas domestiqués, comme ceux de la ferme, de la savane, de la forêt et de la banquise ? Pourquoi pas… Une ronde est organisée avec les uns, un cache-cache avec les autres, etc. Lise, Louise et Arthur ont fait de la nature un espace de cohabitation ludique. A travers quatre historiettes construites selon le même modèle, Camille Jourdy offre à lire un imagier animalier sur le thème de l’amusement. L’enfant-lecteur se convaincra que l’animal est son ami. F. P.
« Jeux pour animaux », de Camille Jourdy, Actes Sud, 80 p. Dès 3 ans.
« Voyages dans mon jardin » : une excursion naturaliste
En 2019, Nicolas Jolivot a décidé de se confiner avant l’heure, et de faire ce que tant de Français ont fait de mars à mai 2020 : le tour de son jardin. Sauf qu’il ne s’est pas contenté de découvrir la différence entre mésanges bleues et charbonnières. Il a écrit, et dessiné, une merveille de livre. Pas à proprement parler un livre pour les enfants, mais un livre d’enfance, où il raconte autant ce qui surgit dans sa mémoire (son grand-père et son instituteur aux cheveux longs) que sous ses yeux. Ses illustrations naturalistes sont d’une beauté rare, insectes et oiseaux, fleurs et plantes. On s’installe avec lui au ras des pâquerettes. C. G.
« Voyages dans mon jardin », de Nicolas Jolivot, HongFei, 216 p. Dès 10 ans.
« Il était une forme » : au rendez-vous de la géométrie et de l’anticonformisme
Qui a dit que la géométrie était ennuyeuse ? Certainement pas l’illustratrice Cruschiform, qui transpose ici, avec le réalisateur Gazhole, les codes du conte de fées dans l’univers des parallélépipèdes et des triangles isocèles. Il était donc une fois un roi et une reine, faits de lignes droites et d’angles pointus, qui ne parvenaient pas à avoir d’enfant, du moins d’enfant acceptable morphologiquement à leurs yeux. Une fille finit néanmoins par naître, d’une symétrie parfaite et équilatérale. Las : devenue grande, celle-ci va tomber amoureuse d’un prétendant au physique de chewing-gum… Truffé d’humour décalé et d’inventions graphiques, ce bel exercice de style fait triompher l’anticonformisme. F. P.
« Il était une forme », de Cruschiform et Gazhole, Maison Georges, 60 p. Dès 7 ans.
« La Soupe aux allumettes » : ça envoie du bois
Lolo est un super-héros dont l’unique pouvoir est d’être super gentil. Ce qui lui sera bien utile pour aider un pauvre dragon qui a perdu sa flamme. D’autant qu’il est aussi inventif : « Sa caboche est une manufacture à stratégies. » D’échecs en tentatives ratées, on suit avec un certain plaisir les aventures de ce jeune garçon avec une tête de cartoon et une langue déliée. Parfait pour apprendre des nouveaux mots aux enfants – pas de ceux qu’on trouve d’habitude dans les livres jeunesse. C. G.
« La Soupe aux allumettes », de Patrice Michaud et Guillaume Perreault, Fonfon, 32 p. Dès 4 ans.
« Mes mains » : tout faire avec ses doigts
Illustrateurs, graphistes et auteurs de BD le savent bien : dessiner les mains est rarement une partie de plaisir. Habiles à empoigner un crayon, les doigts ne sont jamais simples à être représentés avec le même crayon. Néjib a démultiplié la difficulté avec ce catalogue – non exhaustif – d’actions que les mains permettent d’accomplir. Tirer, pétrir, cuisiner, lancer, attraper, modeler, s’habiller… Plus de cent verbes composent un inventaire exécuté au pinceau granuleux. Bouder et rêver – des activités auxquelles les paumes peuvent également contribuer – complètent la liste. « Faire le cracra » aussi. F. P.
« Mes mains », de Néjib, Gallimard Jeunesse, 128 p. Dès 3 ans.
« Un monde de cochons, la totale » : mieux qu’une série télé
Mario Ramos avait l’ambition de « renouer avec le plaisir de la lecture en feuilleton ». L’auteur de livres jeunesse, mort en 2012, a réussi son coup : Un monde de cochons et L’école est en feu, les deux premières histoires compilées dans ce recueil, se dévorent comme du bon pain. Mieux qu’une série Netflix pour les apprentis lecteurs. Au fil des chapitres de ces deux récits, on découvre Louis, un loup pas très sûr de lui, risquant l’échec scolaire et pris à partie par une bande de cochons-racailles, et son copain Fanfan, un petit cochon qui l’aide à s’intégrer. La troisième histoire, Le Trésor de Louis, restée inachevée, n’avait jamais été publiée, tout comme les extraits des carnets de croquis de Mario Ramos. C. G.
« Un monde de cochons, la totale », de Mario Ramos, Pastel, 176 p. Dès 6 ans.
« Marcel ce héros » : exploits d’un champion intime
Personnage familier de la littérature jeunesse depuis trente ans, le chimpanzé Marcel méritait assurément une anthologie. Bien connues des bibliothécaires, cinq histoires mettant en scène le plus introverti de nos cousins primates soulignent l’importance de la confiance qu’il faut accorder à tous ceux qui en manquent. Avec son pull tricoté à motif jacquard et ses souliers vernis, Marcel évoque le petit garçon timide et silencieux que nous avons tous connu en classe, apeuré par son ombre, voire par un nuage, comme ici. Vaincre sa vulnérabilité par le biais du sport, de la poésie ou de l’amitié n’est pas une vue de l’esprit, nous rappelle le grand auteur britannique Anthony Browne. F. P.
« Marcel ce héros », d’Anthony Browne, Kaléidoscope, 168 p.
« L’Ascenseur » : une histoire qui monte et qui descend
Rarement huis clos aura été si plaisant. Ce livre est d’une beauté graphique rare. En noir et blanc, avec de petites touches de rouge, des sols en damier et des personnages tout en rondeur. Son format est adapté aux circonstances : étroit et haut, puisqu’il s’agit ici d’un ascenseur. On y monte avec le jeune narrateur, son chien, la voisine Cora et ses jumeaux qui ont faim dans leur poussette, Monsieur Miguel, le voisin le plus âgé de l’immeuble… Bref, the place to be, qui monte et qui descend, puis qui se coince. On resterait bien encore un peu à écouter l’histoire de Monsieur Miguel. Il n’a pas le temps de la finir, mais – incroyable – elle est là, dans un minilivre glissé dans une enveloppe, collée sur la dernière page. C. G.
« L’Ascenseur », de Yael Frankel, traduit de l’espagnol (Argentine) par Lise Capitan, Obriart, 37 p. Dès 4 ans.
« Une toute petite seconde » : une rue, tout un monde
Dans Tentative d’épuisement d’un lieu parisien (Christian Bourgois, 1982), Georges Perec relatait le fruit de ses observations d’un quotidien très ordinaire, depuis une terrasse de la place Saint-Sulpice (6e arrondissement) où il s’était installé trois jours durant. Rébecca Dautremer duplique le procédé en le ramenant à une seconde, et en situant l’action dans un quartier peuplé d’animaux anthropomorphes – cent en tout, comme le nombre de minirécits imprimés sur le livret qui accompagne cette fresque-accordéon de 2,17 m de long. Un système de « cherche et trouve » permet de mettre le doigt sur les différents protagonistes, dont le personnage fétiche de l’autrice, le lapin Jacominus Gainsborough. Une seconde oui, mais des heures de lecture. F. P.
« Une toute petite seconde », de Rébecca Dautremer, Sarbacane, 7 volets et un livret de 32 p. Dès 8 ans.
« Le Petit Robot de bois et la Princesse Bûche » : ode aux fratries
Un conte pur, de ceux que l’on raconte au coin du feu – mais pas trop près, puisque les personnages sont en bois. Le roi et la reine voient leur désir d’enfant exaucé par une sorcière et une inventrice, qui leur conçoivent une petite fille-bûche et un garçon-robot. Chaque nuit, la princesse redevient bûche. Chaque matin, son frère la ramène à la vie. Sauf un matin… L’extraordinaire lien qui les unit est une ode aux fratries, quelles qu’elles soient. C. G.
« Le Petit Robot de bois et la Princesse Bûche », de Tom Gauld, traduit de l’anglais par Rosalind Elland-Goldsmith, L’Ecole des loisirs, 40 p. Dès 4 ans.
« Adieu Blanche-Neige » : le conte revisité et pas qu’un peu…
Si la libre adaptation de contes traditionnels est un genre en soi dans la littérature de jeunesse, cette version de Blanche-Neige par Beatrice Alemagna fera date avec son ton fiévreux et ses tableaux hallucinés. L’histoire est racontée par la belle-mère de l’héroïne, cette reine des jalouses, prête à toutes les cruautés pour supprimer celle qui se trouve être « plus belle qu’elle ». Si tout se déroule comme l’ont écrit les frères Grimm en 1812, une scène finale de torture pour le moins gratinée inverse le rapport de force entre les deux femmes, histoire de rappeler qu’il y a une loi pour tous, même dans les contes pour enfants. F. P.
« Adieu Blanche-Neige », de Beatrice Alemagna, La Partie, 96 p. Dès 8 ans.
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