Par Cédric Pietralunga Publié le 01 décembre 2021
Dalida, Nina Ricci, Jean-Marie Tjibaou, Aimé Césaire… Vingt-neuf hommes et vingt-neuf femmes qui ont participé au récit national ont été sélectionnés dans une liste initiale de 318 noms.
Quel point commun entre Toussaint Louverture et Isadora Duncan, Rachid Taha et Elsa Triolet, Missak Manouchian et Joséphine Baker, Nina Ricci et Jean-Marie Tjibaou ? Tous font partie des 318 figures de l’histoire de France sélectionnées par l’Etat afin de donner plus de visibilité dans l’espace public aux personnalités issues de l’immigration et des outre-mer. Une exposition au Musée de l’homme retrace la vie de 58 d’entre elles, 29 femmes et 29 hommes incarnant la diversité française, « acteurs décisifs du grand récit national » mais dont le parcours a parfois été oublié ou méritait d’être revivifié.
Voulue par Emmanuel Macron afin d’honorer les « destins devenus français par leur combat », cette liste a été établie au printemps 2021 par un comité d’experts présidé par l’historien Pascal Blanchard. A l’origine, elle était destinée aux élus locaux, invités à y piocher pour baptiser leurs espaces publics (gymnases, écoles, etc.). « On s’est aperçus que de nombreuses villes avaient donné le nom de Nelson Mandela ou de Martin Luther King à des bâtiments. Ce sont des gens tout à fait respectables mais il existe aussi de nombreuses personnalités françaises issues de la diversité qui méritent d’être honorées », souligne M. Blanchard.
Très vite, le Musée de l’homme a proposé de faire de cette liste une exposition. « C’était une évidence de présenter ce projet ici, souligne André Delpuech, le directeur des lieux. Le Musée de l’homme a une longue histoire d’engagement, s’est battu dans la Résistance, pour la décolonisation. La promotion de la diversité fait partie de nos combats. » « Cette exposition est un des moyens de rendre visibles des figures qui ont aussi fait la France et de s’interroger sur ce qu’est être français, sur pourquoi on s’engage pour la France », approuve l’historien Yvan Gastaut, l’un des commissaires de l’exposition, avec M. Blanchard et l’historienne Aurélie Clemente-Ruiz.
Documents d’époque
Si elle retrace le parcours de nombreuses personnalités célèbres, comme Aimé Césaire, Dalida ou Charles Aznavour, l’intérêt de « Portraits de France » réside bien davantage dans les figures « tombées dans les ténèbres de l’histoire », inconnues du grand public mais dont le parcours n’a rien à envier à leurs glorieux aînés. Comme Boughera El-Ouafi, un ouvrier né en Algérie, manœuvre dans les usines Renault de Billancourt, qui avait remporté la médaille d’or du marathon des Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam, vingt-huit ans avant Alain Mimoun. Ou Do Huu Vi, un aviateur indochinois, tombé au combat en 1916 en montant à l’assaut d’une tranchée allemande avec sa compagnie de légionnaires.
Ponctuée de documents d’époque, comme le fusain L’Artiste devant sa toile (1938), prêté par le Musée Picasso, ou les prix Nobel décernés à Marie Curie en 1903 et en 1911, l’exposition, même si on pourra regretter sa taille modeste, dresse en pointillé le portrait d’une France où la diversité a toujours été présente depuis la Révolution française. « Ces personnages n’étaient pas invisibles à leur époque. On l’a oublié mais le premier député noir, Jean-Baptiste Belley, a été élu en 1793 ! », rappelle Pascal Blanchard, pour qui « la France est un pays d’immigration mais ne le sait pas ». Ce qui n’empêchait pas d’intenses débats sur l’intégration, comme à la fin du XIXe siècle, où le rejet des Italiens et des Polonais était largement partagé.
« Portraits de France », au Musée de l’homme, place du Trocadéro (Paris 16e), jusqu’au 17 janvier 2022. Entrée gratuite. museedelhomme.fr
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