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vendredi 9 avril 2021

Population carcérale : la France à contre-courant de l’Europe

Par  Publié le 8 avril 2021

Le recours aux peines de prison ferme baisse depuis dix ans dans la plupart des pays européens, selon une étude du Conseil de l’Europe, mais en France le nombre de détenus continue d’augmenter.

La France affiche une tendance à rebours de ce qu’il se passe dans le reste de l’Europe en matière de recours à la prison. Elle incarcère davantage que ses voisins et poursuit une politique inflationniste en la matière, là où de nombreux pays ont entrepris une réduction volontariste de la population carcérale.Pourtant les lois pour développer les alternatives à la prison se succèdent en France.

Selon le rapport « Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe » (Space) publié jeudi 8 avril, « le taux global d’incarcération (c’est-à-dire le nombre de détenus pour 100 000 habitants) a continué de baisser légèrement en Europe en 2020, confirmant ainsi une tendance amorcée en 2013 ». En dix ans, le taux d’incarcération en France est passé de 103,5 personnes détenues pour 100 000 habitants en 2010 à 105,3 en 2020, tandis qu’il passait dans le même temps de 88 à 76 en Allemagne et de 116 à 101 en Italie. Les pays du nord de l’Europe, qui recourent traditionnellement moins à la prison, avec des taux compris entre 50 et 60 détenus pour 100 000 habitants, continuent néanmoins de mener des politiques pour limiter les peines d’emprisonnement.

Deux voisins de la France conservent en revanche des taux d’incarcération sensiblement plus élevés, le Royaume-Uni (138 détenus pour 100 000 habitants) et l’Espagne (123), hérités de politiques pénales historiquement plus tournées vers la prison. Même ces pays « répressifs » participent au mouvement déflationniste avec une chute de 24 % en dix ans du taux espagnol et de 10 % du taux britannique. Le taux moyen européen (124) n’a guère de sens, puisqu’il inclut les champions de l’incarcération que sont la Russie et la Turquie, où le nombre de détenus approche les 360 pour 100 000 habitants.

Densité carcérale la plus élevée

Cette particularité française a un effet boule de neige. La construction de nouvelles places de prison est toujours en retard sur la hausse du nombre de détenus. Conséquence : la France fait partie avec la Turquie des cinq pays parmi les quarante-sept du Conseil de l’Europe à afficher la densité carcérale la plus élevée (au-delà de 115 % des capacités). Une surpopulation carcérale structurelle qui complique la prise en charge des détenus, la préparation à la sortie et la prévention de la récidive.

30 % des personnes incarcérées en France sont en attente d’un procès ou d’un jugement

Le plan de construction de places de prison, engagé dans le cadre de la loi de programmation et de réforme de la justice de 2019, ne devrait pas changer la donne. Sur les 7 000 places nouvelles annoncées pour 2022 (dont nombre seront finalement livrées en 2023 voire en 2024), plus de la moitié viendra compenser la fermeture programmée d’établissements vétustes ou réaménager des quartiers existants. Les trente dernières années ont confirmé l’adage selon lequel plus on construit, plus on remplit.

La flopée de données récoltées dans cette étude permet de souligner un autre mal français, le recours à la détention provisoire : 30 % des personnes incarcérées en France sont en attente d’un procès ou d’un jugement, une proportion très supérieure à ce que l’on constate en Allemagne (21 %) ou en Espagne (16 %). Les réformes répétant comme un mantra que la détention provisoire doit être l’exception se succèdent en vain.

Les chiffres de cette étude Space, arrêtés au 31 janvier 2020, ne tiennent pas compte de l’effet de soufflet que la pandémie a eu en 2020 dans plusieurs pays. Avec 64 400 détenus au 1er mars, les prisons françaises comptent 6 200 détenus de moins qu’en janvier 2020, mais leur nombre augmente à un rythme de 700 à 800 par mois.


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