par Aurore Savarit-Lebrère publié le 7 avril 2021
Une étude publiée ce mercredi par «The Lancet Psychiatry» révèle qu’un ancien malade du Covid sur trois souffre de troubles psychologiques ou neurologiques. La psychologue Gladys Mondière regrette le manque d’anticipation et de moyens alloués aux conséquences de la pandémie sur la santé mentale.
Selon une étude parue ce mercredi dans le journal The Lancet Psychiatry, une personne sur trois ayant surmonté le Covid-19 a eu un diagnostic de troubles neurologiques ou psychiatriques dans les six mois suivant l’infection. Ce taux monte à 46% pour les patients admis en réanimation. Face à ces chiffres inquiétants, Gladys Mondière, psychologue et coprésidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP), regrette que l’impact du Covid sur la santé mentale ne soit pas suffisamment pris en compte.
L’anxiété et les troubles de l’humeur sont les diagnostics les plus fréquents selon l’étude, pourquoi ?
Les personnes atteintes du Covid, notamment lors de la première vague, accumulaient beaucoup d’anxiété à cause de la méconnaissance de la maladie, de son traitement et de sa prise en charge qui étaient au début complètement inexpliqués. Par la suite, pour certains, l’anxiété a été accentuée par la difficulté à reprendre pied dans la vie. Comme des rescapés d’évènements traumatiques. Concernant les troubles de l’humeur, on retrouve essentiellement la dépression, avec aussi une difficulté à retrouver ses repères ou le goût de vivre, des valeurs fondamentales en soi qui ont été remises en question durant la maladie.
Pour 13% de ces personnes, il s’agissait de leur premier diagnostic neurologique ou psychiatrique…
Oui, on reçoit des personnes qui ne seraient jamais venues nous voir avant. Car les troubles psychologiques observés sont liés à un contexte particulier qui n’est pas du tout dû à l’histoire de la personne – même si on peut quand même établir certains liens – il s’agit de patients qui allaient bien, qui travaillaient, avaient une famille mais pour lesquels tout a été bouleversé. Parmi eux, les jeunes ont quand même eu tendance à consulter plus facilement car ils peuvent se dire qu’ils consultent un psy sans avoir l’impression d’être fou, contrairement à certaines personnes âgées pour qui c’est plus compliqué, car ils ont l’impression de pouvoir s’en sortir seuls. Néanmoins, le lancement de la récente campagne du gouvernement pour inciter les Français à parler de leur état psychologique est une bonne chose pour lutter contre la stigmatisation de la santé mentale. Et il n’y en a pas souvent, la dernière remonte à 2007.
Cette étude prouve qu’énormément de personnes sont concernées. Pensez-vous que l’impact psychologique du Covid a été sous estimé ?
Ce n’est pas que cela a été sous estimé, c’est qu’au début il fallait soigner dans l’urgence. C’est souvent comme ça, les troubles psychologiques arrivent après, comme avec les troubles suite à la réanimation. D’abord on s’occupe des patients et après on étudie l’impact psychologique que cela peut avoir. Après, c’est vrai qu’en France la question des troubles psychologiques n’est pas taboue, mais secondaire disons. On pense qu’on peut s’en sortir tout seul, on n’est pas comme dans les pays nordiques ou un ministre va dire qu’il a fait une dépression ou qu’il s’arrête en raison d’un épuisement professionnel. En France, cela reste un peu caché, on reste encore dans un processus avec une maladie égale un soin, sans anticipation. On va s’en rendre compte seulement lors de la survenue des effets psychologiques. On s’en occupe quand le bateau coule. De notre côté, nous attendons avec beaucoup d’impatience des annonces concernant les prises en charge des consultations psychologiques et aussi des embauches supplémentaires. Mais ce qui m’inquiète actuellement, que ce soit dans le libéral ou le service public, c’est le fait que les consultations explosent tandis que tout le monde est débordé et que même les psychologues commencent à fatiguer psychiquement. Pour autant, nous ne faisons pas partie des métiers essentiels concernés par la possibilité de faire garder son enfant durant le confinement par exemple.
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