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mardi 6 avril 2021

Aux petits soins L’ostéopathie, effet placebo ou équilibre retrouvé?

par Eric Favereau  publié le 6 avril 2021

A la mi-mars, une étude française menée sur dix ans tenait à montrer que cette médecine non-conventionnelle, chronique n’avait qu’un effet placebo contre le mal de dos. Et si les choses étaient plus compliquées que cela ?

D’ordinaire, lorsque l’on rend compte d’une étude scientifique mettant en cause une médecine alternative pleuvent aussitôt des réactions outrées, voire bien souvent agressives. Révélant une fois encore les tensions entre ces deux mondes thérapeutiques, l’allopathique et le parallèle. Mi-mars, la grande revue médicale Jama (The Journal of the American Medical Association) a fait état d’une étude française étalée sur près de dix ans étudiant les effets de l’ostéopathie dans le traitement des lombalgies chroniques : il apparaissait que «cette discipline, très prisée en France n’était pas plus efficace qu’un placebo.» Et l’on s’attendait donc à des courriers indignés.

Ce ne fut pas le cas, plutôt des réactions mesurées, étonnées et interrogatives, montrant que le monde de l’ostéopathie se dit avant tout «équilibré». Ainsi, l’un d’entre eux : «Comme nombre de mes confrères, nous avons été surpris des résultats de l’étude. Ces résultats ne concordent pas avec ceux que nous avons obtenus à travers une enquête de satisfaction réalisée auprès d’un panel de patients qui ont suivi des soins d’ostéopathie conformes aux principes fondamentaux.» Un autre : «Je trouve qu’on manque d’un regard critique sur cette étude. Je sais, en tant que psychanalyste, combien ces études peuvent être biaisées suivant ce qu’on veut y démontrer.»

«Quand ça ne marche pas, je change d’ostéopathe»

Alain Revel est lui aussi psychanalyste. C’est un grand sportif, coureur de fond, qui parle avec douceur, sans agacement. Juste à côté de son cabinet dans la région d’Aix-en-Provence, de jeunes ostéopathes se sont récemment installées, avec qui il entretient des rapports courtois. «Je ne suis pas un spécialiste, mais leur approche me paraît assez fine. En tout cas, cela m’a permis de continuer à faire du sport. C’est pour cela que cette étude catégorique disant que cela n’a guère d’effets m’a surpris. Quand cela ne marche pas, je change d’ostéopathe.»

Jean-Pierre Marguaritte est, lui, ostéopathe. Et il a un poids dans cet univers-là, comme membre du comité scientifique du Getcop (Groupe d’évaluation des thérapies complémentaires personnalisées et des pratiques innovantes), mais aussi comme expert près la cour d’appel de Versailles. Son emploi du temps est chargé. Il critique clairement l’étude où avaient été comparés deux groupes de patients, l’un recevant des gestes placebo et l’autre des gestes classiques d’ostéopathe. «Les ostéopathes qui ont fait l’étude ne connaissent pas bien le somatique. Ils sont restés sur une ostéopathie très limitée. L’ostéopathie, ce n’est pas l’os. C’est l’artère. Nous, on s’intéresse aux raisons profondes des déséquilibres. C’est un ensemble : libérer la circulation des artères, ne pas se fixer sur un seul point.»

Des écoles d’ostéopathie ouvertes, sans garanties

Marguaritte a une longue pratique ; après avoir fait des études de kiné, puis trois années de médecine, il a bifurqué pour travailler «sur la loi de l’artère». «Partout où cela circule mal, sommeille la maladie», nous dit-il. Il exerce «avec passion», son emploi du temps est minuté. «Nous sommes aujourd’hui 36 000. En vingt ans, cela a explosé, mais nous sommes seulement 12 000 avec une formation de kiné. C’est là où cela ne va pas, analyse-t-il. Face au numerus clausus pour la formation de kiné, des multiples écoles d’ostéopathes se sont ouvertes, sans garantie. C’est un bon business. Il suffit de payer 9 000 euros par an pendant cinq ans, et vous repartez avec le titre. Cela ne va pas. Il faut un code de déontologie, intégrer en partie la formation à l’université, établir des passerelles.»

En attendant, il n’a pas de doute sur l’efficacité de sa pratique. Il en veut pour preuve que les résultats de l’enquête réalisée auprès d’un panel de 1 000 patients ayant bénéficié de soins d’ostéopathie montrerait que 96 % des patients se disent satisfaits. Certes, mais quid de l’étude du Jama ? «Le corps est un système unitaire. L’organisme dispose d’une capacité d’auto-guérison qui dépend de l’intégrité de son système vasculaire et nerveux», insiste-t-il.

Voilà : un taux élevé de satisfaction, mais pas d’évaluation scientifique convaincante. Faut-il ajouter que l’ostéopathie est souvent remboursée par les assurances complémentaires, agissant parfois comme un produit d’appel ?


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