par Maïlys Diogo publié le 8 avril 2021
Depuis le week-end dernier, les professionnelles de la garde à domicile peuvent continuer à travailler, avec toutefois la crainte de faire face à des enfants porteurs de la maladie.
Alors que le gouvernement a annoncé le 31 mars la fermeture des crèches et établissements scolaires pour faire face à la pandémie, rien n’était explicitement prévu pour les assistantes maternelles. Après un flou de vingt-quatre heures sur leur sort, le ministère des Solidarités et de la Santé, dans une série de recommandations, a considéré leur maintien comme indispensable à la lutte contre le Covid-19. Au grand dam de certaines, qui auraient aimé avoir le choix de travailler au vu des risques pour leur santé, tandis que d’autres y voient la contribution à un effort national.
Sarah, trois enfants, garde un bébé de 14 mois en région parisienne : «J’aurais préféré que l’Etat mette les parents d’enfants de moins de15 ans au chômage partiel. Avec la fermeture des écoles, je dois jongler et j’attends la sieste du petit pour pouvoir travailler avec mes enfants.» Toutefois, comme bon nombre de ses collègues, elle dit ne pas avoir été étonnée par le choix du gouvernement de maintenir son activité. Elle savait d’ores et déjà qu’elle continuerait à travailler, par solidarité avec les parents et en raison de la relation de confiance nouée avec eux depuis plusieurs années. Tout comme Maria, assistante maternelle dans le Val-d’Oise, qui garde l’enfant d’une infirmière.
Ayant fraîchement pris ses fonctions en mars, Ingrid, elle, a vécu l’annonce d’un potentiel troisième confinement avec plus d’inquiétude, dans la crainte de ne plus pouvoir travailler. «Durant les quelques jours qui ont précédé l’allocution présidentielle, les parents m’appelaient au fil des bruits de couloir pour savoir si je pourrais continuer à garder leurs enfants. J’essayais d’anticiper, mais ni la PMI ni les relais assistantes maternelles ne savaient ce qui allait être décidé. Les parents, eux, voulaient continuer à amener leurs enfants tant qu’il n’y aurait pas de décret officiel», explique-t-elle.
«Notre santé est mise en danger sans reconnaissance»
A l’annonce du maintien de leur activité, les professionnelles de l’accueil à domicile ont dû s’organiser, sans toutefois bousculer leur quotidien : «La réception des parents à l’entrée de l’appartement sans qu’ils n’y entrent, le ménage quotidien, le nettoyage des jouets et les changements de draps permanents sont des contraintes auxquelles on a appris à se soumettre au fil des mois», explique Carine, qui garde trois enfants à son domicile du XIe arrondissement de Paris.
Une partie des assistantes maternelles pointe néanmoins du doigt le risque d’exposition à la maladie pour elles et leurs familles. D’autant qu’elles ne peuvent décider d’elles-mêmes de débrayer. «Le gouvernement fait appel à la responsabilité des parents-employeurs pour choisir d’amener ou pas leurs enfants. Nous n’avons pas de libre arbitre et nous ne pouvons pas de nous-mêmes nous mettre en activité partielle, c’est l’employeur qui décide», regrette Nathalie Dioré, secrétaire de la Confédération des syndicats d’assistants familiaux et d’assistants maternels (Csafam).
C’est ainsi que Christine, qui gardait quatre enfants en mars 2020, a subi quatre licenciements après avoir annoncé aux parents qu’elle ne travaillerait plus quelque temps, étant asthmatique et donc fortement exposée au Covid-19. Son discours semble cristalliser les frustrations de tout un corps de métier. «Je trouve injuste que notre santé soit mise en danger sans reconnaissance. Certaines professions touchent des primes, ce qui n’est pas notre cas alors qu’on nous juge indispensables. De même, on est facilement remplaçables : par exemple, le parent dont je ne veux pas garder l’enfant peut me remercier par une simple lettre recommandée sans plus de formalités. Certains suivent une logique simple, même s’ils ne travaillent pas : je paie alors je fais garder mon enfant», se désole-t-elle.
Enfin, de nombreuses assistantes maternelles soulignent les contradictions dans la gestion de la crise, et notamment la possibilité qui leur a été donnée d’accueillir jusqu’à six enfants au lieu de quatre. Afin d’assurer la sécurité et le confort de ces derniers, les assistantes sont soumises à de nombreux contrôles de conformité qui vont de la taille de leur appartement à l’espacement entre les lits. «Aujourd’hui, contre toute attente, on nous autorise à garder six enfants à la maison. Cela se fera au détriment de la qualité de l’accueil. On ne peut pas sortir se promener avec six enfants au parc. A six, ce n’est plus de l’accueil mais du gardiennage», regrette Christine.
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