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jeudi 12 novembre 2020

« Nous sommes surpris de voir à quel point les enfants disent s’être sentis seuls durant le premier confinement »


Quatre pédopsychiatres s’inquiètent de la pression qui s’exerce pour fermer à nouveau les écoles et les crèches.

Publié le 12 novembre 2020


Rentrée des classes à l’école Jean-de-la-Fontaine, le 2 novembre à Lyon.

Tribune. Le confinement est l’une des principales mesures mises en œuvre pour réduire la transmission du virus SARS-CoV-2. Un article dans The Lancet Infectious Diseases souligne le poids considérable de la fermeture des écoles sur la contagiosité du virus, réduisant le taux de propagation d’environ 15 %. Cependant, selon la revue Naturecet effet semble faiblement dépendre des enfants eux-mêmes, notamment concernant ceux de moins de 11 ans.

La fermeture des écoles pourrait en fait agir essentiellement par les contraintes qu’elle impose aux adultes dans leurs déplacements. Malgré un effort remarquable des pouvoirs publics (secrétariats à l’enfance et au handicap, ministère de l’éducation nationale) et des professionnels de l’enfance pour accompagner les plus jeunes durant cette pandémie, une pression s’exerce de nouveau pour fermer les crèches, les écoles ou les structures qui accueillent les enfants plus vulnérables.

Apathie, irritabilité, inquiétudes

Prendre la décision de fermer les écoles nécessite de considérer l’impact délétère qu’a eu le premier confinement sur leur santé mentale. Plusieurs études aux Etats-Unis et en Europe rapportent qu’environ 40 % des parents ont observé des signes de détresse chez leurs enfants.

Ces symptômes sont polymorphes et peuvent prendre la forme d’une augmentation de l’irritabilité, d’une apathie, d’inquiétudes diverses, dont celle d’une évolution défavorable de la pandémie. Un quart des enfants expriment la peur de la mort d’un proche, manifestent des troubles du sommeil, un manque d’appétit, une fatigue chronique ou des cauchemars.

Selon l’OCDE, cette détresse est plus forte pour les enfants vulnérables ou issus de familles démunies. Certains pays, comme la Suisse, rapportent une augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicide. A Taïwan, une étude menée chez 1 000 jeunes âgés de 13 ans en moyenne rapporte qu’environ 20 % d’entre eux ont eu des idées suicidaires durant le confinement.

Harcèlement et négligences

A cette souffrance s’ajoutent les violences intrafamiliales qu’ont subies certains enfants durant la fermeture des écoles. On estime cette augmentation de l’ordre de 20 %, au regard des études anglo-saxonnes. Cette violence peut également prendre des formes plus inattendues. La sous-secrétaire générale de l’ONU chargée de l’enfance a récemment mis en garde contre les violences sur le Web. La généralisation de l’utilisation d’Internet pour les échanges sociaux et les cours en ligne a exacerbé le harcèlement entre les pairs, notamment le harcèlement à connotation xénophobe.

« La fermeture des écoles a radicalement modifié l’écosystème dans lequel l’enfant évolue »

Selon une étude menée dans la communauté asiatique aux Etats-Unis, près de la moitié des collégiens interrogés ont déclaré être la cible d’une xénophobie liée au coronavirus. Cette violence peut aussi être indirecte et prendre la forme de négligences. De nombreux parents rapportent des difficultés pour assurer le soutien de leur enfant dans le quotidien du confinement, faisant face eux-mêmes à des situations de détresse financière, professionnelle ou médicale (un tiers des parents rapportent une aggravation de leur santé mentale depuis mars).

La fermeture des écoles a en outre radicalement modifié l’écosystème dans lequel l’enfant évolue, entraînant des inégalités dans leurs apprentissages, tout particulièrement pour ceux en situation de handicap ou défavorisés. On estime ainsi que 4 % des élèves (soit 500 000 enfants) sont « décrocheurs » [selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale].

De leur côté, les activités physiques et sportives – fondamentales dans l’enfance – ont été drastiquement limitées, accroissant ainsi une sédentarité qui conduit à une augmentation de la dépressivité ou de l’anxiété chez l’enfant mais aussi à plus de grignotages, notamment chez ceux déjà en surpoids. Le repas dispensé à l’école représente pour certains le seul repas équilibré de la journée, et son arrêt fragilise d’autant l’équilibre financier des familles modestes.

Incapacité d’échanger sur leur souffrance

La crise du Covid-19 est remarquable non seulement par son impact social et économique, mais aussi par sa capacité à isoler l’individu de sa communauté. Les enfants ont été les premiers à être isolés et privés de leur liberté individuelle, comme l’a souligné l’Unicef. Nous sommes surpris de voir chaque jour combien les enfants que nous recevons rapportent s’être sentis seuls durant le confinement, avec l’incapacité d’échanger sur leur souffrance et leurs préoccupations avec leurs pairs.

Les plus jeunes d’entre eux sont particulièrement sensibles à la situation de leurs parents. Une augmentation de cinq points du taux de chômage est corrélée à une augmentation de 35 % à 50 % des problèmes de santé mentale chez l’enfant [selon un article de 2018 publié dans Health Economics, concernant les conditions économiques aux Etats-Unis de 2001 à 2013]. Le coronavirus frappe durement les plus jeunes. Ce n’est pas tant le virus lui-même, mais les stratégies que l’on utilise pour lutter contre lui – à travers le confinement et la fermeture des écoles – qui semblent être néfastes sur leur santé.



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