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samedi 14 novembre 2020

Les vivants, les morts et les marins [1] Entretien sur le soin avec Claire Marin


 



Les vivants, les morts et les marins [1] | Cairn.info

A

liénor Bertrand : Vous avez publié coup sur coup deux livres successifs sur un même sujet, Hors de moi en février 2008 et Violences de la maladie, violence de la vie en mars de la même année. Ces deux livres relèvent de deux genres très différents, le récit autobiographique et l’essai philosophique. La relation complexe que le lecteur découvre entre ces deux textes n’est vraiment explicitée dans aucun des deux. Pourriez-vous préciser en quoi vos approches philosophiques et littéraires de la maladie se complètent ou s’opposent ?

Claire Marin : Elles se complètent et s’opposent à la fois. À première vue, elles s’opposent dans la mesure où Hors de moi livre dans toute sa violence l’expérience à la première personne d’une épreuve, la dépossession que subit le malade, le trouble que la maladie jette sur les questions du sens, l’évidence de l’existence, alors que Violences de la maladie est une analyse progressive des représentations philosophiques qui tentent de désamorcer ou de minimiser la réalité de la violence de la maladie et des phénomènes du vivant lorsqu’ils s’exercent au détriment de la santé et de l’intégrité du sujet. On pourrait dire schématiquement que le moteur de Hors de moi est la colère et l’indignation face à une situation toujours vécue comme injuste et face à des relations humaines souvent décevantes, alors que Violences de la maladie est une approche plus rationnelle, un questionnement sur la légitimité de certains choix de la philosophie dans l’interprétation de ce qu’est l’expérience de la maladie et une critique de la manière dont elle l’évite dans sa réalité phénoménale. Dans Hors de moi, le narrateur est « embarqué » et parle en son nom, sans forcément représenter l’ensemble des malades, même si beaucoup semblent s’y retrouver ; dans Violences de la maladie, l’analyse est plus distante et tente de livrer des éléments de pensée qui dépassent l’expérience personnelle. On pourrait penser pour cette raison que Hors de moi a été rédigé avant Violences de la maladie, comme si la distance apparaissait une fois la colère apaisée. En réalité, c’est l’inverse : c’est parce que la colère apparaissait comme un élément essentiel dans l’expérience de la maladie, et dans ce qu’il faut bien appeler son « dynamisme », qu’il a fallu écrire le récit qui en restitue la genèse et, je l’espère, la force vitale. C’est parce que la philosophie aborde peu cette colère du malade, contrairement à la littérature, que je me suis tournée vers le récit pour essayer de la restituer. En fait, Hors de moi permet de comprendre ce qui donne l’élan à l’analyse plus théorique présentée par Violences de la maladie.

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