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vendredi 13 mars 2020

Pour préserver l'éthique malgré le coronavirus, le CCNE propose des cellules de soutien éthique pour les soignants

PAR 
COLINE GARRÉ -  
PUBLIÉ LE 13/03/2020



Crédit photo : AFP
Comment prendre des décisions médicales en situation de pénurie de ressources ? Que faire si les moyens techniques et humains ne permettent la prise en charge de l'ensemble des formes graves de Covid-19 qui risquent de se multiplier ces prochaines semaines ?
Saisi par le ministre de la Santé Olivier Véran fin février, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) suggère, dans sa contribution rendue publique ce 13 mars, l'organisation d'une réflexion éthique de soutien auprès des soignants. Celle-ci pourrait prendre la forme de « cellules de soutien éthique » pour apporter un regard extérieur aux acteurs opérationnels, les aider à cerner les problèmes et à justifier leurs décisions.

Qui les compose ? Où se situent-elles ? Les modalités sont à trouver au cas par cas, a explicité le Pr Jean-François Delfraissy, président du CCNE, en suggérant de se tourner vers les Agences régionales de santé (ARS), les Espaces éthiques régionaux ou encore les groupes d'éthique clinique des CHU.
Au plus près des soignants
Il rejette en revanche l'idée d'une structure nationale. « Ces structures doivent être au plus près des soignants, dans les grands hôpitaux, mais pas seulement, aussi auprès des médecins de ville, qui peuvent être confrontés à des choix complexes. Le temps consacré au Covid-19 ne doit pas se faire au détriment des autres patients et pathologies », souligne-t-il. Le comité invite aussi à se pencher sur l'articulation entre ville et hôpital afin de préciser le rôle de chacun et l'éventuelle priorisation de certains patients. 
Jusqu'où restreindre la liberté d'aller et venir ? Et les visites dans les EHPAD ? « Toutes les mesures exceptionnelles doivent être nécessaires, proportionnées, et appropriées », considère Pierre Delmas-Goyon. Le juriste et membre du CCNE a insisté sur l'importance de limiter la durée des restrictions des droits tout en conservant l'état de droit. Ce qui implique que tout le reste, notamment la confidentialité des données, est inchangé. Et d'appeler à faire preuve d'inventivité pour éviter la rupture du lien intergénérationnel sur de trop longues périodes. 
Sciences et citoyenneté pour éclairer la décision politique
Autre recommandation : le CCNE soutient la mise en place, auprès du ministre de la Santé, d'une instance mixte d'experts scientifiques, issus aussi des sciences humaines et sociales, et de membres de la société civile, par exemple des milieux associatifs, pour éclairer le processus de décision politique. Une telle démarche devrait favoriser la « confiance et l'appropriation de l'action des pouvoirs publics par l'ensemble de la société », lit-on. Condition sine qua non pour faire accepter des mesures contraignantes ou difficiles. 
« Le CCNE souhaite la plus grande transparence dans les décisions prises : qu’elles soient justifiées à partir des connaissances médicales et scientifiques, et quand elles sont difficiles, préciser qu’elles sont temporaires », a insisté le Pr Delfraissy. 
La journaliste et présidente d'ATD-Quart Monde, Claire Hédon, a mis en garde contre le risque de durcissement de la stigmatisation à l'égard des plus précaires. « La peur est présente dans ces populations. Il faudrait que la population reste solidaire des personnes vulnérables », a-t-elle exhorté, tandis que le CCNE demande aux pouvoirs publics d'intégrer la question des inégalités sociales dans sa stratégie de réponse à l'épidémie. Le comité suggère de développer une communication ciblée vers les personnes en situation de grande pauvreté, de handicap, de souffrance psychiatrique, les SDF, les migrants, les détenus, etc. 
Maintenir l'éthique de la recherche
Exigeant davantage de moyens pour la recherche, le CCNE rappelle que, même dans l'urgence, celle-ci doit respecter le cadre éthique et déontologique en place. « La recherche en urgence doit être d'aussi bonne qualité que toute autre, sans rien renier des principes fondamentaux comme la notion de consentement », a indiqué le Pr Delfraissy. Le CCNE en appelle aussi à la responsabilité de l'industrie pharmaceutique, pour qu'elle mette à disposition des équipes d'éventuels candidats médicaments ou vaccins. 
« J'espère que de cette crise pourront émerger des aspects positifs, une vision citoyenne et civique, le renforcement du pacte social et de la solidarité, et le respect des anciens et des plus vulnérables », a conclu le Pr Jean-François Delfraissy. Qui a aussi annoncé sa mise en retrait de la présidence du CCNE, qu'il confie à sa vice-présidente Karine Lefeuvre, docteure en droit et professeure à l’École des hautes études en santé publique, pour se consacrer au pilotage du comité scientifique du consortium de recherche REACTing.

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