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vendredi 6 décembre 2019

Le syndrome du bébé secoué surdiagnostiqué ? Une association remet en cause les recommandations de la HAS

PAR 
ELSA BELLANGER
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PUBLIÉ LE 04/12/2019

Crédit photo : Phanie
C’est une charge argumentée contre les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le syndrome du bébé secoué qu’ont adressée, le 2 décembre, l’avocat Grégoire Etrillard, et l’association qu’il défend, Adikia, à la présidente de l’institution, Dominique Le Guludec.
Représentant des familles victimes d’un diagnostic erroné de maltraitance, essentiellement du syndrome du bébé secoué, les auteurs demandent, dans cette lettre de 25 pages, l’abrogation des recommandations relatives à ce syndrome, aussi nommé « traumatisme cranio-cérébral non accidentel ». Selon eux, ces recommandations, publiées en 2011 et actualisées en 2017, sont « entachées d’incompétence et d’erreur d’appréciation », mais constituent pourtant la « clé de voûte de toute la chaîne pénale dans les dossiers de “bébés secoués” ».

Une probité scientifique remise en cause
La missive pointe d’abord l’absence de spécialisation en neurologie pédiatrique des cinq membres du groupe de travail (une présidente et quatre chargés de projet) qui a élaboré ces recommandations. Le document dénonce également un texte « tourné vers la constitution d’un dossier pénal et non le soin d’un patient ». Il met ensuite en cause des recommandations « bien trop affirmatives » sur des sujets médicaux « non démontrés ou controversés ». La lettre dénonce ainsi des recommandations ne présentant pas « les gages d’impartialité attendus d’une telle publication sur le plan scientifique ».
Plusieurs diagnostics différentiels du syndrome du bébé secoué seraient ainsi rejetés sans argumentaire scientifique. « Alors que de nombreuses publications scientifiques affirment que l’expansion des espaces sous-arachnoïdiens (EESA) peut mimer les symptômes du bébé secoué, les recommandations HAS affirment faussement qu’il n’y a “pas d’argument” en ce sens, sans mentionner que cette thèse existe et sans expliquer pourquoi ils l’écartent autrement qu’en mentionnant une publication d’un médecin légiste membre de son propre groupe de travail », avance Grégoire Etrillard.
Des diagnostics différentiels ignorés
D’autres diagnostics différentiels, comme le syndrome d’Ehlers-Danlos ou des maladies génétiques affectant le collagène, ne sont pas non plus évoqués. Ainsi, selon l’avocat, l’avis exprimé par la HAS « n’est qu’une opinion ». De même, les critères avancés pour conclure au diagnostic du syndrome du bébé secoué, que sont les hémorragies sous-durales, les hémorragies rétiniennes et l’encéphalopathie, sont « controversées dans de nombreux pays ». En Suède par exemple, l’agence nationale d’évaluation des pratiques de santé (l’équivalent de la HAS), pointait, dans un rapport de 2016, le faible ou très faible niveau de preuves scientifiques du diagnostic de syndrome du bébé secoué, lorsqu’il est basé sur les trois critères cités.
Les recommandations de la HAS et les diagnostics auxquels elles aboutissent ont pourtant des conséquences judiciaires concrètes. Elles sont « souvent le fondement unique des poursuites judiciaires », indique Grégoire Etrillard. En conséquence, des familles « vivent au quotidien un calvaire inconcevable : retrait de leur bébé pendant des années, séparation forcée des couples, poursuites criminelles, condamnations ».
Contactée par le « Quotidien », la HAS indique avoir lancé une analyse du document. Elle y apportera une réponse dès l’étude achevée.

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