Par Emmanuel Sander, Université de Genève; Calliste Scheibling-Sève, Université de Genève; Hippolyte Gros, Université de Genève et Katarina Gvozdic, Université de Genève
Les neurosciences sont fascinantes. En matière d’éducation, les neurosciences proprement dites augmentent les tirages de la presse, donnent une image de rigueur et d’innovation aux politiques qui s’y réfèrent, mais sont pour l’instant peu porteuses de mesures effectives pour la salle de classe. Tentons de décrypter les ressorts de cette "neurophilie" qui repose largement sur des raccourcis de pensée qu’il est intéressant de dérouler pour mieux les saisir.
Tout d’abord, de fortes attentes sociétales dans le domaine de l’éducation, conjuguées à un sentiment d’échec et d’urgence, souligné par les faibles résultats de la France aux enquêtes internationales telles que PISA, abaissent la vigilance critique et ouvrent la voie à la diffusion de neuromythes. Les neuromythes ont en effet tendance à combler le vide laissé par le manque de résultats effectifs issus spécifiquement des neurosciences.
Un neuromythe tient pour établies scientifiquement, par le biais d’observations d’activités neuronales, des caractéristiques supposées du cerveau et de la psychologie humaine. Il se différencie d’une controverse scientifique par le fait que, dans le cas d’un neuromythe, les auteurs des travaux cités ne se reconnaissent pas dans les conclusions tirées de leurs recherches : il s’agit de généralisations abusives, voire d’extrapolations fantaisistes. Ces neuromythes sont séduisants car, faisant écho au sens commun, ils donnent le sentiment que la science valide nos intuition
Ainsi, il existe un engouement neurophile qui rend crédule. Il repose sur l’intuition (erronée) que l’imagerie cérébrale a systématiquement valeur probante et permet d’observer objectivement un processus de pensée – un peu comme l’observation d’une radio permet de déceler la présence ou non d’une fracture.
Or, en réalité, les données d’imagerie sont le résultat d’analyses statistiques complexes et ne sont pas moins sujettes à interprétation que les données issues, par exemple, de la génétique ou de l’observation des comportements. Et l’allure séduisante de l’imagerie cérébrale joue des tours à notre esprit : il a même été montré que le simple fait d’accompagner un texte d’une image de cerveau augmente l’impression de véracité du propos qui l’accompagne, y compris lorsque celui-ci comporte des erreurs de logique évidentes
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