L’aripiprazole (Abilify®) est arrivé sur le marché des antipsychotiques en 2004. Comme toute nouvelle molécule, elle a naturellement suscité l’enthousiasme, et cela d’autant plus que son mécanisme d’action particulier (agoniste partiel des récepteurs dopaminergiques) promettait un profil de tolérance intéressant, que ce soit sur le plan métabolique, la sédation, ou la symptomatologie négative.
Au cours des années 2000, cliniciens et patients ont douloureusement fait l’expérience d’épisodes de décompensation après relais vers l’aripiprazole. Pour expliquer ce phénomène, on suppose que les patients traités depuis longtemps par de fortes doses d’antagonistes dopaminergiques présentent une hyper-régulation des récepteurs D2, l’aripiprazole venant ensuite embraser ces nombreux récepteurs sensibilisés. Pourtant, l’aggravation après introduction de l’aripiprazole n’a pas été mise en évidence dans les essais contrôlés randomisés ou les études de cohorte. L’objectif de la présente étude, publiée dans JAMA Psychiatry, était d’évaluer ce risque dans une plus large cohorte.
Pas plus d’aggravation après relais vers l’aripiprazole
A partir de la base de données CPRD (Clinical Practice Research Datalink), les auteurs ont extrait l’ensemble des patients de plus de 13 ans ayant reçu une prescription d’aripiprazole entre 2005 et 2015 (Parkinson et Alzheimer exclus) en remplacement d’un autre antipsychotique. Chaque sujet était apparié avec un patient ayant bénéficié d’un autre switch. Le critère de jugement était un critère composite d’échec du traitement psychiatrique dans l’année suivant la prescription, que ce soit du fait d’une hospitalisation en psychiatrie, un suicide ou un geste auto-agressif.
Sur les 229 000 patients ayant reçu un nouvel antipsychotique durant cette période, les auteurs ont pu identifier 1 643 switches vers l’aripiprazole, appariés à 1 643 autres switches. Le relais vers l’aripiprazole n’était pas associé à une augmentation du risque d’évènement psychiatrique par rapport au relais vers un autre antipsychotique (Hazard Ratio : 0,87 ; intervalle de confiance à 95 % 0,71-1,06). Un surrisque n’était pas davantage retrouvé en considérant uniquement le risque de suicide, d’hospitalisation, ou de geste auto-agressif, ou encore en ne prenant en compte que les patients souffrant de schizophrénie. De même, le risque n’était pas augmenté pour les patients recevant des posologies d’antipsychotiques plus importantes avant l’aripiprazole.
Restons prudents !
Cette étude n’a pas pu confirmer ce que l’expérience clinique a paru révéler. Si ces données sont rassurantes, la prudence impose de rester particulièrement attentifs lors du passage d’un antipsychotique à l’aripiprazole. En effet, pour les patients issus de la cohorte CPRD la prescription émanait de leur médecin généraliste. Ainsi, les patients pris en charge exclusivement par des psychiatres, et présentant une pathologie instable, n’étaient pas inclus dans l’étude. De même, l’étude ne précisaient pas quelles précautions étaient employées pour réaliser le changement du traitement (hospitalisation et/ou longue période de chevauchement). Enfin, on ne peut exclure qu’au fil des années, les praticiens aient réservé l’aripiprazole aux patients les moins sévères (même si ce biais est en principe atténué par l’appariement des patients).
Dr Alexandre Haroche
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