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Les remises en cause ont poussé de nombreux praticiens à s’exprimer pour défendre une discipline plus que jamais au cœur des problématiques les plus brûlantes de notre société.
Tribune. Les psychanalystes sont répartis sur l’ensemble de notre territoire, et si un certain nombre d’entre eux exercent une activité libérale, la plupart travaillent en institution. Quant à leurs interventions, elles concernent tous les secteurs de l’activité sociale, culturelle et même économique. Mais la nature même de leur travail les expose à une posture individualiste, jusque-là peu compatible avec la prise de position collective, la seule qui permette de représenter socialement et politiquement une profession.
Cependant, les mises en cause incessantes et injustifiées de leur discipline ont eu raison de cette tendance à l’individualisme, et fait naître chez eux le désir de se rassembler pour se faire entendre. Car ils savent que dans l’esprit du public et des décideurs politiques, la psychanalyse est le plus souvent attachée aux représentations fragmentaires et caricaturales générées par ces attaques permanentes. Ils savent aussi que leur discipline centenaire, considérée comme une source permanente de controverses, est pourtant partie prenante de la vie sociale, professionnelle et même privée, de leurs contemporains.
Qu’on le veuille ou non, de multiples notions présentes dans le langage courant, associées à la pensée commune et intégrées à la réflexion collective, sont bel et bien issues de la théorie et de la pratique psychanalytiques : «pulsion», «libido», «lapsus», «refoulement», «psychosexualité», etc. Ce contraste entre d’une part, la multiplication des agressions malveillantes, et d’autre part le développement spontané de l’influence psychanalytique, incite aujourd’hui les spécialistes à éclairer l’opinion sur leur travail, dans les différents secteurs d’activité où ils interviennent. Le récent exemple de la prise en charge de l’autisme suffit à montrer l’ignorance des accusateurs de la psychanalyse.
Car si les reproches adressés à la psychanalyse dans ce domaine étaient à la mesure du désarroi, des souffrances et des espoirs déçus des familles, la participation des psychanalystes au travail scientifique ne s’en est pas moins poursuivie. Associés au travail sur le signe Preaut concernant les risques d’évolution autistique chez l’enfant de moins de 12 mois, ils sont actuellement signataires des premières publications sur cette question. D’une façon générale, dans les domaines de la santé mentale et de la psychiatrie, de la médecine, de l’enseignement, de l’éducation, de l’information ou encore de la justice, les psychanalystes apportent sans contestation possible leur contribution, au bénéfice des professionnels concernés comme des usagers.
En février 2008, à l’ouverture d’un colloque qui se tenait dans les locaux du ministère de la Santé, la ministre affirmait que «la réflexion (psych)analytique a un rôle essentiel à jouer dans les débats de santé publique». Dix ans plus tard, à l’ère des fake news et en plein développement des fausses sciences, les psychanalystes rappellent que leur travail concerne la vérité du sujet dont la parole porte témoignage. Si la référence à la vérité n’exclut pas la critique, les reproches qui visent le plus souvent la psychanalyse relèvent plus du stéréotype et de l’idée reçue que de l’argumentation rigoureuse.
Ainsi, continuer à faire de l’inconscient freudien une croyance héritée du XIXe siècle dépassée par la science moderne résonne au XXIe comme un aveu d’ignorance. Non seulement, les psychanalystes contribuent à faire avancer la connaissance sur l’autisme, une pathologie identifiée au début du XXe, mais ils étudient désormais les phénomènes les plus contemporains : l’homoparentalité, le retrait social des jeunes ou hikikomori, ou encore la radicalisation islamique des adolescents. Dans le contexte de la journée mondiale de la santé mentale du 10 octobre, ils ont organisé à la Salpêtrière une manifestation scientifique qui a rassemblé plusieurs spécialistes autour d’une souffrance infantile très médiatisée : le TDAH (trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité).
Par ailleurs, des praticiens de la psychanalyse issus des principaux courants théoriques ont rédigé un texte que l’on peut trouver sur la plupart des sites des écoles qui l’ont toutes validé. Intitulé «Rapport sur les avancées et les apports des psychanalystes français dans le champ de la santé mentale, de la jeunesse et de la culture», ce texte vient d’être remis aux autorités. Compte tenu de leur incessante activité dans ces différents domaines et soutenus par les chercheurs et scientifiques avec lesquels ils collaborent, les psychanalystes estiment avoir gagné le droit d’inscrire leurs travaux cliniques, non seulement dans le cadre de la recherche scientifique universitaire et académique, mais aussi dans l’ensemble du paysage culturel français.
Premiers signataires : Marie-Frédérique Bacqué Professeure, université de Strasbourg, Isée Bernateau Psychopathologie clinique, maîtresse de conférences, Paris-VII, Antoine Bioy Psychologie clinique, professeur Paris-VIII, Anne Brun Psychopathologie clinique, professeure, Lyon-II, Frédéric Chauvaud Professeur d’histoire, université de Poitiers, Guy Dana, Psychiatre, psychanalyste, Marielle David Pédopsychiatre, psychanalyste, Olivier Douville Maître de conférences, psychanalyste, Francis Drossart Psychiatre, Paris-Diderot, psychanalyste, François Dubet Sociologue, professeur émérite, Alain Ducousso-Lacaze Psychopathologie, professeur, université de Poitiers, Tristan Garcia-Fons Pédopsychiatre, psychanalyste, François Gonon Neurobiologie, CNRS, Nicolas Gougoulis Psychiatre, praticien hospitalier, psychanalyste, Michel Kreutzer Ethologie, professeur émérite, Paris-Nanterre, Laurie Laufer Professeure Paris-Diderot, psychanalyste, Jean-Baptiste Legouis Secrétaire général du RPH, Daniel Marcelli Pédopsychiatre, professeur des universités, Françoise Mevel Docteure en psychologie, présidente Association psychanalytique des thérapeutes familiaux d’Aquitaine, Bernard Odier Psychiatre, psychanalyste, Laurent Ottavi Psychopathologie, professeur université Rennes, Michel Patris Psychiatre, psychanalyste, Gérard Pirlot Psychopathologie clinique, psychiatre, professeur, Toulouse-II, psychanalyste, François Pommier Psychopathologie clinique, professeur, Paris-Nanterre, Gérard Pommier Professeur émérite université de Strasbourg, psychiatre, psychanalyste, René Roussillon Psychopathologie clinique, professeur émérite, Lyon-2, psychanalyste, Louis Sciara Directeur CMPP Villeneuve-Saint-Georges, Marie Selin Psychologue, psychanalyste, Jean-François Solal Psychiatre, SPF, Dominique Tourrès-Landman Pédopsychiatre, psychanalyste Jean-Jacques Tyszler Psychiatre, psychanalyste, Alain Vanier Professeur des universités, psychiatre, psychanalyste, Jean-Michel Vivès Psychopathologie clinique, professeur université côte d’Azur, Pierre Zanger Psychiatre, SOS addiction, psychanalyste.
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