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samedi 27 octobre 2018

La biologie française minée par des manquements à l’intégrité scientifique

Plusieurs affaires d’« inconduite scientifique » renvoient une image peu flatteuse de la biologie et questionnent la solidité des garde-fous de la recherche. Enquête sur trois affaires françaises.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO  | Par 


CLEMENT QUINTARD

Depuis trois ans, la biologie française vit dans un climat délétère, secouée par des affaires à répétition d’inconduites scientifiques touchant, directement ou non, des chercheurs réputés, des dirigeants d’organisme ou d’institut. Y aurait-il quelque chose de pourri en ce royaume ? Avant d’esquisser quelques réponses, résumons rapidement les plus marquantes de ces affaires.
A partir de septembre 2014, des articles cosignés par une étoile montante de la biologie française, Olivier Voinnet, sont signalés sur le site PubPeer.com comme contenant des images incorrectes. PubPeer est une sorte de forum destiné à discuter, y compris de façon anonyme, d’articles scientifiques déjà publiés.
Ces signalements conduisent au lancement, en janvier 2015, de deux enquêtes indépendantes diligentées par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’employeur du biologiste, et par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ), où il est détaché comme professeur. En juillet, les inconduites scientifiques sont confirmées dans plusieurs cas, et des sanctions sont prises contre Olivier Voinnet, mais aussi l’un de ses collègues, Patrice Dunoyer.
En septembre 2016, le CNRS et l’ETHZ lancent une enquête sur des faits nouveaux, autour des mêmes chercheurs, qui aboutira, à l’automne 2018, à de nouvelles sanctions – un simple blâme pour Olivier Voinnet, une dégradation d’échelon et une suspension de onze mois pour Patrice Dunoyer.
Le CNRS dans la tourmente
Dans l’intervalle, deux autres affaires ont éclaté, toujours relayées par PubPeer et par un blogueur allemand spécialisé dans ces questions, Leonid Schneider.
La première, en septembre 2017, touche Catherine Jessus, directrice de l’Institut des sciences biologiques, un des dix instituts du CNRS. La seconde, qui débute en novembre 2017, vise Anne Peyroche, employée du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) mais présidente du CNRS par intérim depuis la fin octobre 2017.
Dans le premier cas, une enquête menée par Sorbonne Université, où travaillait Catherine Jessus, la blanchit de toute inconduite début 2018. Dans le second, une expertise du CEA identifie des méconduites graves mais, faute d’avoir pu entendre la principale mise en cause, Anne Pey­roche, en arrêt maladie, il ne peut trancher.
Voilà pour l’essentiel. Une poignée de cas d’inconduites bien moins graves que les fraudes qui ont ébranlé ces dernières années la biomédecine mondiale – les données falsifiées par Andrew Wakefield pour faire croire à un lien entre vaccination et autisme et les transplantations de trachées mortelles du chirurgien italien Paolo ­Macchiarini, par exemple. Ou encore les trucages tout récemment révélés de l’Américain Piero Anversa (Harvard) sur des cellules souches cardiaques, dont l’impact sur les patients reste à mesurer.
Sauf que ces « petites » affaires françaises tendent un miroir peu flatteur à la communauté de la biologie nationale qui s’interroge sur sa capacité à faire face collectivement à certaines défaillances dans la culture de l’intégrité scientifique. Elles posent aussi crûment la question de ce qu’est une preuve en science et sur la façon dont elle est présentée, évaluée et questionnée – et, le cas échéant, corrigée. Elles suggèrent que la confiance entre pairs, pilier de l’évaluation scientifique, est un rempart fragile face aux tentatives de triche.
Omerta
Bref, même si les institutions commencent à se doter de « référents à l’intégrité » et à sensibiliser les jeunes chercheurs à ces sujets, et qu’a été fondé l’Office français de l’intégrité scientifique, ces questions devraient mobiliser la communauté scientifique.
Mais cette dernière oppose bien souvent une omerta ou une réaction de défense épidermique dès lors qu’on s’y intéresse – raison pour laquelle la majorité des témoignages qui suivent sont anonymes.
Commençons par l’origine de ces problèmes : les fautes des chercheurs repérées par ces enquêtes successives. Elles ont pour point commun de porter non pas sur des expériences frauduleuses, montées de toutes pièces, mais sur la présentation incorrecte, voire illicite, des résultats. Ce qui constitue, selon les canons académiques, des manquements à l’intégrité scientifique.
Car ces manipulations touchent des images qui sont autant d’éléments accréditant les conclusions des chercheurs. Pour la plupart, il s’agit d’une succession de formes oblongues noires ou grises, appelées bandes. Leur présence et leur intensité informent sur la nature et la quantité des molécules identifiées dans l’expérience, comme des protéines.

Ces trois images litigieuses sont extraites de trois articles cosignés, notamment, par Olivier Voinnet et Patrice Dunoyer, et publiées sur le site PubPeer par un anonyme. Ce dernier a voulu pointer des irrégularités dans la construction de ces figures.Ainsi, une partie de l’image de l’article à gauche datant de 2007 (Nature Genetics) a été réutilisée plusieurs fois (partie encadrée en bas). D’abord, dans un article de Science de 2010 (images au centre), puis de 2012, dans The EMBO Journal (images de droite). Cette réutilisation est illicite, car les conditions expérimentales entre ces trois articles sont différentes.L’article de droite a été corrigé en 2015, mais une enquête menée en 2017 a jeté des doutes sur la fiabilité même de cette correction. L’article de 2010, au centre, a été corrigé deux fois avant d’avoir finalement fait l’objet d’une ­rétractation de l’éditeur en 2016 pour de multiples irrégularités.L’article de 2007, à gauche, n’a pas ­encore été corrigé, mais les experts de l’enquête de 2017 y ont trouvé de nouvelles erreurs graves. Le rapport d’enquête, dont Le Monde a eu connaissance, indique que Patrice Dunoyer a ­effectué « des manipulations irrégulières nombreuses et répétées » dans ces trois articles. Et considère « difficile de croire qu’Olivier Voinnet n’ait pu avoir de suspicions sur ces images publiées ».
« Enjoliver »

Chaque expérience fournit des dizaines de ces bandes en fonction des conditions expérimentales testées (souches sauvages ou mutantes, présence de tel ou tel réactif, température…). Dans l’article de recherche, on ne montre jamais toutes ces bandes, mais une sélection. Une erreur involontaire peut conduire à se tromper de légende pour une bande ou en oublier.
Mais ce qu’ont fait les chercheurs incriminés était souvent plus grave. Certains ont « nettoyé » les images afin d’« enjoliver » les bandes. C’est interdit, car on pourrait soupçonner la volonté d’effacer une information dérangeante. Ils ont aussi copié-collé des bandes d’une image à l’autre, mais pour différentes conditions expérimentales. Ou dupliqué des bandes d’un article dans un autre.
Les outils numériques permettent aussi d’inverser en miroir des bandes, de les étirer… Des bandes ont aussi été masquées, ou bien ajoutées. Patrice Dunoyer – que, malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons pu interroger – a même modifié une image faite pour corriger une figure déjà trafiquée…
Son ancien mentor, Olivier Voinnet, confie au Monde ne pas avoir été assez vigilant. Mais il n’est pas l’auteur de la totalité des erreurs recensées dans une vingtaine de ses articles. Outre Patrice Dunoyer, les notices des éditeurs ou les enquêtes désignent aussi d’autres responsables. Il y a plus de mises en cause que le laissent penser des sanctions individuelles.
Négligence collective
Le constat est donc qu’une poignée de biologistes français ont enfreint des règles de bonnes pratiques. Mais tous les participants à l’élaboration d’une expérience, sa réalisation et sa publication, ne suivent pas plus méticuleusement ce qui constitue l’aboutissement de leur travail : l’article scientifique.
Or souvent, lors des enquêtes, les coauteurs des fautifs désignés se sont déclarés « surpris », « étonnés », face aux figures publiées, alors que, dans bien des cas, ils auraient pu constater qu’elles ne correspondaient pas aux originaux qu’ils avaient obtenus. Sur l’affaire Peyroche, les enquêteurs ont pudiquement qualifié de« regard furtif » cette négligence collective.
Ces « découvertes » tardives traduisent aussi une certaine faillite des relecteurs des articles pour les revues, qui n’ont pas vu ce que, a posteriori, tout le monde a l’air de considérer comme sautant aux yeux. Et quand une relectrice se montre plus pointilleuse, telle l’Américaine Vicki Vance, qui s’est trouvée par hasard ­relectrice de trois versions différentes d’un même article cosigné par le duo Voinnet-Dunoyer, successivement soumis à trois revues, ses remarques ne sont pas prises en compte (l’article sera finalement retiré de la littérature par l’éditeur, mais sur d’autres fondements que ceux pointés par la biologiste).
Cela pose la question du « contrôle qualité » du système scientifique. Même si, depuis quelques années, la plupart des revues demandent l’accès aux données brutes, avant « montage », afin d’éviter ces problèmes.
CES AFFAIRES SUGGÈRENT QUE LA CONFIANCE ENTRE PAIRS, PILIER DE L’ÉVALUATION SCIENTIFIQUE, EST UN REMPART FRAGILE FACE À LA TRICHE.
Le cercle de l’aveuglement peut malheureusement s’élargir encore plus au-delà des principaux concernés. « Je suis outré de voir que des gens s’expriment sur ces histoires sans avoir regardé les données ! », s’emporte un biologiste qui a pris le temps de se faire sa propre idée. Il fait allusion, notamment, aux affaires Jessus et Peyroche. Leur position hiérarchique et leur bonne réputation ont conduit beaucoup de chercheurs à prendre leur défense sans vraiment examiner ce qu’on leur reprochait précisément.
Il faut dire que les allégations étaient postées sur le site PubPeer, honni par la majorité de la communauté à cause de l’anonymat des commentaires. Fin mai 2018, une pétition rassemblant 500 biologistes mettra en scène cette aversion pour PubPeer et pour Le Monde, qui avait relayé ces accusations.
Sauf que ce site a permis de découvrir les cas Voinnet et Dunoyer… Et que bon nombre de biologistes, anonymement, trouvent des similitudes entre certaines des fautes reprochées à ces chercheurs et celles, non sanctionnées, présentes dans des articles d’autres chercheurs de renom.
« Publier ou périr »
Mais venons-en au cœur de ces controverses : pourquoi se donner du mal à manipuler des images ? Plusieurs rapports d’enquête constatent que les vraies données étaient bien disponibles. Y aurait-il une forme de névrose chez certains au point de vouloir obtenir des figures « parfaites » ? Patrice Dunoyer était ainsi réputé pour son perfectionnisme méticuleux – quand Olivier Voinnet l’était pour son désordre.
Une explication plus rationnelle est que reproduire plusieurs fois une expérience pour s’assurer de sa validité prend du temps et qu’il peut être tentant de ne pas le faire. Quitte à jeter aux orties la sacro-sainte reproductibilité des résultats. Dans une lettre ouverte écrite à la suite de l’affaire Jessus, le biologiste Patrick Lemaire s’étonnait, par exemple, que des articles publiés ne mentionnent pas le nombre d’expériences réalisées.
On peut aussi s’abstenir d’effectuer des expériences dites « de contrôle » (donnant un standard de comparaison) pour gagner du temps en utilisant celles réalisées précédemment. Le temps, si précieux pour doubler une équipe concurrente, dans un système de recherche mondialisé et ­hypercompétitif, où la pression du « publish or perish » (« publier ou périr ») est impitoyable, pour obtenir un financement, un recrutement, un avancement de carrière, une part de gloire… Comme en sport, où le dopage procure un avantage par rapport à la majorité, qui, elle, ne cède pas à ce système pousse-au-crime.
Mais le « crime » lui-même semble sujet à interprétation. Quand certains « tombent de leur chaise » au vu de bricolages qui vaudraient à un étudiant d’être « viré immédiatement », d’autres constatent que « tout le monde fait ça » et « qu’à ce compte-là, tout le monde devrait être sanctionné ». Relativisme perturbant de la preuve et des règles en biologie…Dysfonctionnements au plus haut sommet
Car qu’en est-il in fine des résultats obtenus par ces méthodes illicites ? On s’attendrait à ce que, unanimement, la communauté réponde qu’ils ne sont plus valides. C’est bien plus compliqué. L’article le plus cité d’Olivier Voinnet a fait l’objet d’une rétractation des éditeurs en 2015, mais a été cité des centaines de fois depuis !
Les experts de l’affaire Peyroche, prudents, déclarent qu’ils n’ont pas répondu à la question de la modification éventuelle du message scientifique, car « cela relèverait d’une expertise d’une autre nature ». « Cela prendrait trois mois », estime l’un de ces experts.
La science reste donc incertaine, mais il faut bien dire le droit et le juste. Là aussi, les dysfonctionnements ont abondé. Commençons par le sommet : le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le 18 janvier, il surprend tout le monde. Le Journal officiel annonce le remplacement d’Anne Peyroche, employée du CEA et présidente par intérim du CNRS depuis fin octobre 2017, par Antoine Petit, alors que la nomination de ce dernier était prévue la semaine suivante.
La décision, prise à cause d’un arrêt maladie d’Anne Peyroche ­ (depuis le 6 janvier), attire immédiatement l’attention de la presse sur une information qui jusqu’alors n’était connue que des lecteurs de PubPeer : des soupçons d’inconduite scientifique publiés sur le site début novembre 2017 et relayés par Leonid Schneider. La précipitation du ministère a permis d’avoir la confirmation qu’une enquête était en cours ; ce que le ministère voulait éviter…
Dans cette affaire, le CEA a aussi un peu dévié de sa route, alors qu’il partait sur de bonnes bases. En décembre 2017, après les révélations de soupçons, il est décidé de demander indépendamment à quatre experts de donner leur avis sur la solidité de ces accusations. Des cahiers de laboratoires et des fichiers numériques sont saisis et envoyés à ces spécialistes. Début janvier, leur verdict est sévère : il y a bien des manipulations illicites d’images.
Le CEA décide donc de lancer une expertise contradictoire avec quatre autres spécialistes chargés d’auditionner la plupart des coauteurs. La convocation était prête. Malheureusement, une autre lettre était déjà partie : une convocation d’Anne Peyroche devant les ressources humaines pouvant conduire à licenciement. Soit une sorte de condamnation sociale avant même l’expertise scientifique… Mauvais timing ? La maladresse a nourri des soupçons de règlements de comptes plus politiques entre personnalités pouvant prétendre aux postes les plus élevés des organismes publics de recherche.
Expertise « bâclée »
Nouvelle péripétie quelques mois plus tard. En mai 2018, les experts remettent leur rapport, sévère, sur les inconduites relevées, mais provisoire car la principale intéressée et mise en cause n’a pu être auditionnée à la suite de son arrêt maladie prolongé.
Rien ne se passe, jusqu’à ce que L’Express révèle le 8 octobre le contenu du rapport et le fait que le ministère de la recherche s’est opposé au licenciement de la chercheuse. En trois mois, aucune solution n’a pu être trouvée pour respecter la présomption d’innocence, le travail des enquêteurs et sauver l’intégrité scientifique.
Mais le CNRS, Sorbonne Université ou en Suisse, l’ETHZ, ont aussi eu leur lot de soucis dans la gestion de ces affaires complexes. Sorbonne Université, par exemple, s’est empêtrée dans une expertise « bâclée », selon l’expression du biologiste Patrick Lemaire, pour blanchir de tout soupçon la patronne de la biologie du CNRS, Catherine Jessus, ancienne chercheuse d’un laboratoire de l’université. Sa direction est restée mutique et ne voulait pas même donner le nombre de membres de la commission d’enquête…
Autres exemples. Entre l’ETHZ et le CNRS, le torchon a brûlé au moins deux fois, autour du cas Olivier Voinnet, directeur de recherche au CNRS mais détaché depuis 2010 en Suisse. La première lorsqu’en juillet 2015, autour des mêmes faits, le CNRS sanctionne le chercheur de deux ans de suspension, alors que l’ETHZ ne lui donne qu’un « avertissement ». En outre, alors qu’il a fallu trois mois aux Suisses pour se faire une idée, l’enquête du CNRS n’a duré qu’une semaine, comme l’a révélé Nature le 10 octobre 2018, alors que l’organisme avait annoncé une investigation poussée. Certaines enquêtes sont courtes et les sanctions dures ; d’autres investigations sont longues avec des sanctions plus légères.
Le second épisode n’est pas moins étrange. En septembre 2016, les deux organismes décident une nouvelle enquête commune sur le duo Voinnet-Dunoyer que le CNRS fera traîner jusqu’en juillet 2017, date de la première réunion du groupe d’experts. Catherine Jessus bloque un temps la transmission d’un mémoire en défense d’Olivier Voinnet aux enquêteurs, « pour ne pas les influencer », lit-on dans leur rapport que nous nous sommes procuré.
Ces derniers rendent leurs conclusions en janvier 2018, mais rien ne se passe. Les commissions disciplinaires attendront l’été, et seront informées le jour même de leur réunion d’éléments d’appréciation pourtant cruciaux. L’ETHZ s’impatiente et rend ses conclusions sur le cas Voinnet, clémentes, en septembre 2018, un mois avant le CNRS, le prenant de court.
Des conséquences humaines lourdes
Ce n’est là qu’un échantillon des difficultés à bien gérer ces situations – il est vrai d’une ampleur inédite. Ces exemples montrent des politiques à géométrie variable. Tantôt des rapports d’enquête sont publiés, tantôt non. Tantôt il faut aller vite, tantôt lentement. Tantôt les sanctions sont dures, tantôt plus légères. Tantôt on invoque un argument pour sanctionner (une responsabilité de chef), tantôt non. Comment s’y retrouver ?
Le CNRS promet, sur les conseils de l’Office français de l’intégrité scientifique, de rendre prochainement publique une procédure claire sur la conduite à tenir en cas de soupçons de manquement à l’intégrité scientifique. L’ETHZ, en septembre 2018, a fait part de ses mesures en matière d’intégrité scientifique qui feraient pâlir bien des institutions françaises de plus grande importance : deux délégués à l’intégrité scientifique, au lieu d’un précédemment, et une commission de seize membres chargée des bonnes pratiques scientifiques.
Face aux accusations d’inconduite, les conséquences humaines peuvent être lourdes. Olivier Voinnet a été arrêté six mois et évoque des passages à l’isolement en hôpital psychiatrique en 2015. Anne Peyroche est en arrêt maladie depuis janvier 2018. D’autres ont connu des épisodes dépressifs. Des enquêteurs ou des témoins rapportent avoir vu des coauteurs en pleurs durant les enquêtes. On ne peut qu’être frappé par le malaise régnant dans les laboratoires autour de ces questions.
Un comité d’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), lors de sa visite à Strasbourg à l’IBMP, l’ancien laboratoire d’Olivier Voinnet, confirme ces conséquences : « Les effets collatéraux sur les vies personnelles et professionnelles de l’IBMP ont été pénibles, et beaucoup de personnes ont été touchées par l’affaire », lit-on dans son rapport. Le comité du HCERES égratignait ainsi la direction de l’IBMP en se montrant « surpris et déçu » que le rapport envoyé par l’IBMP pour cette évaluation ne mentionne pas ces affaires d’inconduites et les rétractations d’articles.
« JE NE SUIS PAS DREYFUS, JE NE SUIS PAS UN SAINT, JE VEUX JUSTE LA VÉRITÉ. » OLIVIER VOINNET, BIOLOGISTE, PROFESSEUR À L’ETHZ
Au journaliste curieux d’autres enquêtes en cours, certains responsables d’organisme font parfois valoir la fragilité psychologique des mis en cause. En outre, il est clair que de la malveillance, voire de la haine, nourrissent ces scandales. Les accusations anonymes contre Olivier Voinnet, puis contre Catherine Jessus ou Anne Peyroche ont été lancées moins pour le bien de la science que par vindicte personnelle. L’identité des « lanceurs d’alerte », visiblement du sérail, reste à ce jour inconnue.
Olivier Voinnet, celui par qui le scandale est involontairement arrivé, est quant à lui sorti de son silence. Pour assurer sa défense certes, et pointer la responsabilité de son fidèle second, Patrice Dunoyer, qui a aujourd’hui quitté la recherche.
Mais l’opiniâtreté de l’ancien « Wunder­kind » à « nettoyer » sa production (sa thèse amendée et une trentaine d’articles corrigés ou faisant l’objet de rétractations à ce jour) témoigne d’une volonté de prendre ces choses au sérieux : « Je ne suis pas Dreyfus, je ne suis pas un saint, je veux juste la vérité. » Il ne cache pas, exemples à l’appui, qu’une part de la production des laboratoires français mériterait encore un examen attentif.

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