En France, une personne se donne la mort en moyenne chaque heure. Les initiatives fructueuses de prévention se multiplient, notamment en direction des jeunes.
C’était en février 2017, Aurélie (le prénom a été changé) avait des idées noires. La jeune femme – 24 ans aujourd’hui – sortait d’« une rupture amoureuse qu’[elle] avait du mal à gérer, un immense mal-être », explique-t-elle. Elle avait fait six tentatives de suicide. Son chemin a croisé celui de Guy Benamozig, qui lui a « redonné du soleil », dit-elle. Ce psychothérapeute a créé en 2015 l’association laVita, qui propose aux 15-25 ans des consultations gratuites en cabinets de psychologues. Depuis, elle travaille et va mieux.
Ce dispositif parisien s’adresse à des jeunes, parfois même dès l’âge de 13 ans, qui demandent un soutien psychologique. Un réseau d’orienteurs, infirmières, assistantes scolaires, services de prévention des universités parisiennes, etc., propose au jeune un suivi. Dès lors qu’il accepte cet accompagnement, il est contacté en moins de quarante-huit heures par l’un des 600 psychologues du réseau laVita. Cette structure permet un rendez-vous rapide, alors qu’il faut parfois attendre des mois pour avoir une consultation dans une institution.
Le problème du financement
Le dispositif fonctionne grâce aux financements de mutuelles, de fondations, de la CPAM de Paris, de la Mairie de Paris… Il a permis à laVita de recevoir 75 jeunes en 2017 et en a déjà vu 80 cette année. Mais, « en l’absence de financements pérennes, laVita ne peut pas faire face aux demandes de plus en plus nombreuses », explique Guy Benamozig, qui plaide pour le remboursement des psychothérapies. Une expérience d’une telle prise en charge est actuellement menée dans quatre départements. Une évaluation scientifique du dispositif commencera à l’automne.
La prévention du suicide est un enjeu crucial, c’était le leitmotiv de la journée mondiale sur le sujet, lundi 10 septembre. Il s’agit de la deuxième cause de décès chez les 15-29 ans, selon l’Organisation mondiale de la santé, qui a fixé un objectif de diminution de 10 % par rapport à 2010 d’ici à 2020. En France, les tentatives de suicide stagnent à environ 200 000 chaque année, mais la mortalité par suicide a légèrement baissé. 8 885 décès ont été officiellement enregistrés en 2014, soit en moyenne un par heure. Un chiffre certes élevé, mais en recul de 26 % par rapport à 2003, selon la 3e édition de l’Observatoire national du suicide.
« Cela s’explique par l’amélioration de la prise en charge, avec un plus grand nombre de lieux, une moindre stigmatisation de certains troubles mentaux, et donc un accès aux soins facilité », analyse le professeur Guillaume Vaiva, chef de service de psychiatrie au CHU de Lille et secrétaire général du Groupement d’études et de prévention du suicide (GEPS), dont les 50es Journées ont eu lieu lundi 10 septembre au ministère de la santé. La formation en était un des thèmes phares. Les soignants mènent régulièrement des actions de sensibilisation auprès des médias, avec le programme national Papageno qui œuvre pour éviter la contagion du suicide.
Maintenir le lien
Le professeur Vaiva coordonne un programme de prévention, VigilanS, qui « vise à recontacter après la sortie de l’hôpital les personnes qui ont fait des tentatives de suicide ». Lancé en 2014 et soutenu par l’ARS Nord-Pas-de-Calais, il consiste à maintenir le lien en utilisant plusieurs médias, comme le téléphone ou les cartes postales, sur une période de six mois. Le patient reçoit de son côté une carte ressource, avec un numéro d’appel gratuit disponible aux heures ouvrables. A ce jour, 10 000 personnes en ont bénéficié dans le Nord-Pas de Calais.
Les résultats sont concluants : les passages dans les 28 centres des urgences de la région – pour cette raison – ont baissé de 13 % en 2017, par rapport à 2014 (il y en a eu 10 368). Dans le même temps, en Picardie, sans VigilanS, le phénomène a augmenté de 13 %. Les chiffres de mortalité par suicide sont également en constante diminution. Le ministère de la santé a décidé de répliquer VigilanS en Bretagne, en Normandie, en Occitanie, à la Martinique et dans le Jura, afin de savoir comment ajuster le dispositif en fonction du contexte.
L’enjeu est aussi le repérage, notamment sur les réseaux sociaux, d’autant que « plus ils vont mal, moins ils vont vers le soin », souligne le docteur Charles-Edouard Notredame, psychiatre au CHU de Lille, qui va lancer un programme en ligne.
Des applications existent… tel StopBlues, lancé en avril par l’Inserm, une panoplie d’informations sur le mal-être, l’anxiété, qui propose aussi une cartographie des médecins, associations… De même, SOS Amitié, qui reçoit 700 000 appels par an, fonctionne aussi beaucoup par tchats.
« En général, les jeunes n’ont pas eu accès à ce type de soins, ils sont dans la crainte, la déception, explique Marjorie Tollec, pédopsychiatre, psychologue clinicienne, membre de laVita. Il faut rétablir le lien de confiance qui a souvent été rompu. »
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