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jeudi 13 septembre 2018

Cancer : un documentaire et des petits arrangements avec la maladie

Par Eric Favereau — 

Christophe Otzenberger derrière la caméra.
Christophe Otzenberger derrière la caméra. Photo La Générale de Production

Arte diffuse mardi soir un film d'une grande honnêteté, où le réalisateur Christophe Otzenberger, atteint d'un cancer et aujourd'hui disparu, a choisi de faire parler d'autres malades, sur leur état, la mort, leur histoire.

Cela commence par les images de son propre enterrement, avec une voix off ironique et triste, qui anticipe : «Je vais être dans une boîte, dans un cercueil, sur le dos, dans le noir. Et je vais aller au feu. C’est tout ce que je déteste, je n’aime pas ça. Moi j’aime être sur le côté pour dormir…»
Christophe Otzenberger, documentariste, est mort. Mais auparavant, atteint d’un cancer d’un poumon, il a voulu entendre et filmer d’autres malades, en installant sa caméra dans l’hôpital où il était traité. Il savait que cela serait son dernier film. Il se filme alors, et on filme ses réactions. Coréalisé avec Stéphane Mercurio, c’est elle qui a terminé Petits arrangements avec la vie.

Unique et juste

Le lieu ? Il le connaît bien. L’établissement, spécialisé en rééducation, est situé à Roscoff en Bretagne, sur un bras de la mer. Le paysage autour est magnifique. Christophe Otzenberger n’arrive, pourtant, pas à filmer l’ensemble. «Il est trop laid», lâche-t-il à un moment. Ce documentaire est tout simple. «On va papoter», commence-t-il à dire à une jeune fille d’une vingtaine d’années, belle et grave. Papoter, c’est bien ça. C’est unique et c’est magnifique de justesse. Il parle de lui, il écoute. Il filme comme on se dit bonjour. «Tu m’as dit que tu te demandais si tu serais aussi heureuse si tu n’avais pas été malade», demande-t-il à cette jeune fille qui lui répond : «En fait ma maladie c’est ma force, c’est bête à dire, c’est elle qui me booste tous les jours, qui me dit "bouge toi les fesses". J’ai un copain qui le fait aussi. Lui, il travaille. On habite depuis quatre ans ensemble, direct on s’est mis ensemble, j’ai rencontré Guillaume chez des amis, c’est le coup de foudre et on ne s’est plus quittés.»  La vie n’est bien sûr pas toute rose. «Je remange mais très difficilement, poursuit-elle. C’est spécial, on dirait un robot quand je mange, mais bon si après je peux manger normalement…» Elle dit encore : «A l’intérieur de moi c’est le bordel, mon corps n’est plus le même, j’ai été reconstituée, je n’ai plus d’œsophage et j’ai maintenant le côlon à la place. Quand on est malade, il faut prendre la vie du bon côté. Avec là où je suis passée, je ne sais comment j’ai pu m’en sortir.»
Christophe Otzenberger écoute, avec son visage un peu fatigué, cette façon faussement négligée d’être là. Il tousse parfois. «Tu me touches profondément, murmure le réalisateur, je t’écoute avec un plaisir.» Puis : «Je suis impressionné par ta force, je me demande si j’en aurai autant, parfois je me le demande.»

Mourir tranquillement

Lorsque sa coréalisatrice lui demande «c’est quoi pour toi le plaisir de la vie ?» il lui dit : «La réponse est un peu ridicule. C’est d’avoir du plaisir, et en ce moment, je le dirais pour moi, c’est d’être bien, de ne pas avoir mal, de ne pas penser, que la carapace soit forte, c’est d’être de bonne humeur.» Ludivine, elle, n’est pas de bonne humeur. Toute jeune, toute blême, elle est fatiguée. «La greffe ? J’ai hésité, ce n’est pas une décision facile. Il y a un moment, j’ai tout lâché, je ne prenais plus rien du tout, quitte à le cacher à mes parents. Oui, alors c’était plutôt mourir que souffrir». Là encore, le réalisateur se montre touché. Le silence dure. «Je ne dis rien, lui dit-il, car je pense à ce que tu dis, je ne sais pas quoi te dire, je te souhaite le meilleur, merci ma belle.»
Dans les échangs, on ne sait plus trop qui écoute l’autre. Un homme, d’un certain âge, se raconte une histoire. Il y croit : «J’ai l’impression que c’est un autre que moi qui est malade, le cancer de la mâchoire je ne savais pas que cela existait.» Puis : «Je sais que ce n’est pas normal d’être dans un hôpital. Là on en discute, mais c’est comme si je n’y pensais pas. J’ai l’impression que c’est quelqu’un d’autre que moi qui est concerné.» Parfois, on entrevoit des visages tristes et perdus. Un vieux malade, à bout, souhaite simplement qu’on le laisse mourir tranquillement. «Je ne demande qu’une chose c’est de partir, de ne plus souffrir, de ne plus vivre la nuit que j’ai vécue. Je sonnais toutes les deux heures, je ne veux plus avoir froid.»
Christophe Otzenberger : «Le film, ce film je voudrais le finir, mais… C’est Stéphane qui devra le finir, elle le sait.»
Petits arrangements avec la vie,de Christophe Otzenberger et Stéphane Mercurio. Diffusé mardi 11 septembre sur Arte à 23 h 30



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