De la dépression on parle beaucoup depuis la sortie du livre du Professeur Even et de son complice le Professeur Debré. Leur livre (1) agite les médias, le journal Le Point offre même cette semaine sa couverture à nos deux pourfendeurs de la doxa académique. Alors parlons de la dépression, mais parlons-en autrement.
Il ne sera pas question dans ce billet de compter les points comme dans le précédent sur le cholestérol et les statines mais d’examiner la dépression et ses médicaments sous un angle résolument philosophique.
Je voudrais dans cette perspective réactiver la pensée du philosophe Michel Foucault. Foucault disait : « Je suis un diagnosticien du présent ». Tentons de saisir avec Foucault, ce qui se joue aujourd’hui autour de cet usage si répandu du mot dépression et des traitements qu’elle occasionne. N’oublions pas que le très célèbre ouvrage de Foucault, « Histoire de la folie à l’âge classique » avait provoqué un véritable tsunami chez les psychiatres qui avaient consacré, dans les années 70, tout un congrès pour débattre de l’ouvrage.
Les enjeux de ce livre ont été souvent mal compris. On a voulu faire de Foucault le chef de fil de l’antipsychiatrie ce dont il se défendait fermement. On a voulu faire croire que Foucault niait le phénomène de la folie et en la réduisant à une pure construction sociale.
En réalité, Foucault n’a jamais nié la folie, il a cherché à montrer comment chaque époque avait, à sa manière, perçu la folie. Ainsi, à l’époque de la Renaissance la folie est partout, dans la peinture avec Jérôme Bosch, dans le théâtre de Shakespeare, dans le théâtre de Cervantès (Don Quichotte). Et point capital, à cette époque, la folie a quelque chose à dire à la raison. Folie et raison dialoguent, en témoigne l’ouvrage d’Érasme « Éloge de la folie ». Le « cogito cartésien », opère une scission définitive entre raison et folie. « Quoi, ce sont des fous » s’écrie Descartes dans ses méditations, ce qui revient à dire à dire « nous, personnes raisonnables nous n’avons rien à dire à ces fous ». À partir de Descartes, le fou est mis à la marge de la société.
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