par l'Inter-Collèges des Psychologues d'Ile-de-France
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En dépit de
la mobilisation d'une partie des personnels soignants auprès des politiques, la
novlangue de marché qui depuis trente ans a fait main basse sur le service
public a nettement consolidé son assise.
Pourtant si
sa puissance de coercition mine les forces qui tentent de lui faire obstacle,
il est patent que toutes ces initiatives de résistance témoignent à leur façon
d'une tentative de réinvention et de réhabilitation de la dignité humaine qui
ne cède pas sur son désir, quels que soient les reflux qu'elles connaissent.
L'inter-collèges
des psychologues hospitaliers crée en 2007, suivi de près par le collectif
national, ont entrepris, quand à eux, de partager les questions éthiques et
politiques qu'il leur incombait de soutenir contre une logique normative habile
à instrumentaliser la subjectivité. L'expérience, inédite dans cette profession
hétéroclite, mérite que l'on s'y arrête tant elle fait figure de pari
impossible.
Il n'y est
point question de maître mais d'un cheminement à plusieurs qui privilégie une
forme de nomadisme de la pensée.
Cherchant
pêle-mêle, les rencontres d'idées, les lieux d'échanges dépourvus de
rentabilité immédiate et les outils permettant de saisir autrement les
situations contemporaines, cette aventure s'autorise du souci d'émancipation
qui consiste à chercher d'autres horizons, à sortir de l'urgence du moment
lorsque le moindre interstice de pensée nous est dérobé.
Nous
souhaitions mettre en place les conditions de recherche d'instruments
d'intelligibilité, tenter de saisir les enjeux au plus près du terrain, renouer
avec l'esprit utopique, traquer les oublis, les impensés.
Aujourd'hui l'inter-collèges a dix ans, il a
son style, sa boussole freudienne et tout autant une volonté d'ouverture à
l'altérité qui ne faiblit pas.
Ensemble,
nous poursuivons la tâche de saisir comment les nouvelles logiques de discours
dont la cité hospitalière est la proie produisent une éclipse culturelle au
profit d'une mutation sociétale d'envergure propice à la servitude volontaire.
Des îlots de vitalité créative subsistent
toutefois, que l'on y soit seul ou à plusieurs, la musique d'une sensibilité
clinique ouverte aux étrangetés de l'esprit s'y fait entendre, sans jugement ni
a priori, indemne de toute prédictibilité.
Tenter d'en
élucider les conditions de possibilité demeure notre intérêt majeur.
Car si la psychologie ne dit pas grand-chose
des psychologues, chacun sait pourtant qu'ils voyagent sur le fil d'une aporie,
pris entre mandat de contrôle social et mandat thérapeutique.
G.Canguilhem dans son conseil aux psychologues
n'a pas manqué de mettre l'accent sur cette ambiguïté qui fonde leur héritage. 1
1 « Qu’est-ce que la
psychologie ? » Conférence du collège de philosophie. 1956
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En effet,
La multiplicité des approches méthodologiques de la psychologie a longtemps
vécu sous le « pacte de coexistence pacifique » qui sommeillait à l'abri de la
profession de foi du Docteur Lagache sur l'unicité de celle-ci.2
Ce fut pourtant un coup de
force qui fit certes entrer la psychanalyse à l'université mais passait sous
silence le fait que l'orientation Freudienne fait objection à toute entreprise
de normalisation tout comme elle témoigne de ce qui résiste à l'impératif du
bien être aujourd'hui promotionné par la gestion néolibérale.
C'est pourquoi :
•
si les frontières de l’hôpital se ferment aux « pasteurs séculiers
de l'âme » chers au docteur Freud....
•
si l'on considère que l'expérience d'une clinique en éveil
inventée, élaborée avec chaque patient sous protection d'intemporalité est
devenu la cible d'une volonté aveugle à ses conséquences qui consistent à «
rendre les hommes superflus » 3 ....
•
si la conscience de porter une histoire collective où se trame
l'effort d'approcher à plusieurs l 'énigme de la psyché est en passe de devenir
obsolète ....
•
si l'on prend acte du fait que le monde médical dans son ensemble,
sous couvert d’innovation, participe d'un système qui fait retour à
l'objectivisme....
... et si la formation des
psychologues cliniciens a encore vocation à leur intégration dans les
établissements hospitaliers, se pose alors crûment la question de l'a-venir
incertain de la clinique confrontée à la volonté hygiéniste qui fait loi.
Il n'est point question ici de paradis perdu
mais plutôt de prendre la mesure d'un rapt des métiers auquel il convient de
résister à plusieurs.
La discussion et l'espace de
la dispute nous restent ouverts et peuvent insuffler des forces d'avenir aux
espaces cliniques qui se dévouent au respect des continents invisibles de la
psyché.
Parce qu'il ne suffit pas de
dénoncer, que le savoir manque et plus encore le savoir critique, un travail de
déchiffrage de la politique de soin et des discours qui la soutienne s'avère de
première nécessité. Ce sera l'un des objets de cette journée de partage.
. 2 Docteur Lagache « L'unité de la psychologie » 1949
. 3 Hanna Arendt « Le système totalitaire » 1951
Avec la coordination de l'Inter-collèges Idf
Martine Vial-Durand
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