Coline Garré 03.05.2016
Le Plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) 2011-2015 avait pour objectif de « prévenir et réduire les ruptures pour mieux vivre avec des troubles psychiques », et comme caractéristique d'être mis en œuvre par les agences régionales de santé (ARS). C'est le premier plan de santé publique lancé après la loi HPST. Articulé autour de 4 axes, il n'était assorti ni de mesures ni d'objectifs concrets et quantifiés. Il était donc difficile de se prononcer sur son impact direct. Néanmoins, construit avec les acteurs de la santé mentale, c'est un plan« consensuel est pertinent », en termes de stratégie, eu égard aux besoins, évalue aujourd'hui le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) dans un rapport de près de 230 pages, en réponse à la saisine de la Direction générale de la santé (DGS) de novembre 2014.
Meilleure reconnaissance des personnes
Ce plan a permis des progrès dans la reconnaissance des personnes vivant avec des troubles psychiques, salue le HCSP. Il a aussi permis l'éclosion d'études, suivies de recommandations, sur le handicap psychique, issues d'instances comme la Haute Autorité de santé, l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité (ANESM), la Direction de la recherche, des études et statistiques (DREES), ou encore l'Institut de recherche en santé publique.
Les secteurs médico-social et social tendent à mieux se coordonner avec le sanitaire, grâce à des formations croisées, la co-construction de projets ou des évaluations partagées des besoins. La santé somatique commence à être davantage prise en compte, comme le traduit le recrutement de généralistes par les établissements psychiatriques. L'urgence psychiatrique se structure et prend mieux en considération les populations défavorisées, grâce aux équipes mobiles, par exemple.
Hétérogénéité des pratiques et moyens, délais d'attente, benzodiazépines
Néanmoins, le HCSP déplore une trop grande hétérogénéité des pratiques et des moyens sur le terrain. Et de citer, par exemple, l'utilisation de la chambre d'isolement, de la contention, ou de contraintes de soins, des pratiques d'intervention à domicile, ou encore des aides au quotidien en termes d'accès au logement et à l'emploi.
Le HCSP dénonce les délais d'attente pour une première consultation, qui se révèlent cruels en pédopsychiatrie, entraînant des retards de diagnostic. Il déplore une surmédicalisation du mal-être (avec des consommations de benzodiazépines préoccupantes) et se positionne en faveur d'un remboursement des soins de psychothérapie.
À la place d'une succession de plans, le Haut Conseil réclame une politique de santé mentale pérenne, pilotée à long terme, avec une dimension interministérielle et des indicateurs de suivi. Pour la définir, il recommande la mise en place d'une instance nationale de santé mentale associant usagers, professionnels du sanitaire et du médico-social et élus, tandis qu'au niveau régional, un référent santé mentale au sein des ARS doit la rendre opérationnelle.
Repenser la lutte contre le suicide
Dans un second rapport mis en ligne concomitamment, le HCSP déplore un mauvais ciblage du programme national d'actions contre le suicide 2011-2014, tant en termes de populations (les plus à risque étant peu prises en compte) que de professionnels de santé (les généralistes pourraient être mieux sensibilisés).
De nouveau, le HCSP étrille la gouvernance, qui, à l'échelon national, manque de transversalité, et à l'échelon régional, n'a pas fait l'objet d'un investissement de la part des ARS. « Le programme peut sembler inachevé, au sens où il n'est pas allé jusqu'à fixer des objectifs chiffrés en termes de réduction des suicides et des tentatives, le rendant ainsi moins lisible et concret aux yeux des acteurs qui le mettent en œuvre », lit-on. Le HCSP souligne aussi le frein qu'a constitué le manque de moyens financiers alloués.
En termes de recherche, les avancées sont insuffisantes depuis 2011, tance le HCSP qui réclame davantage de moyens pour la mise en place d'une recherche évaluative en santé mentale. Seul trouve grâce à ses yeux le programme de sensibilisation des étudiants en journalisme au suicide, intitulé Papageno, qu'il suggère d'élargir à la communication institutionnelle.
Le HCSP recommande in fine de promouvoir un double objectif : prévention générale en amont, et prévention spécifique visant à réduire le nombre de suicides à court terme, notamment en ciblant les populations à risque et en fixant des objectifs chiffrés. Cette politique de prévention du suicide devra s'intégrer à d'autres plans nationaux, comme celui de santé mentale, mais aussi ceux touchant les jeunes, les personnes âgées, et la santé au travail.
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