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mercredi 4 mai 2016

Après l'essai mortel de Rennes, la protection des volontaires en débat au Sénat

Betty Mamane 04.05.2016


« Trouver l'équilibre entre sécurité et innovation ». Ainsi Alain Milon, président de la Commission des Affaires sociales, inaugure-t-il le débat sur l'encadrement des essais cliniques qui s'est tenu mardi 3 mai au Sénat. Une séance publique qui fait suite aux auditions relatives à l'essai BIA 10-2474 à Rennes, qui a conduit à la mort d'un volontaire et l'hospitalisation de cinq autres en janvier dernier.
De fait, la France se trouve être l’un des pays les plus avancés dans la protection des volontaires cadre. Un cadre a été mis en place depuis 1988 avec la loi Huriet et la création des Comités de protection des personnes (CPP), puis avec la loi Jardé, adoptée en 2012, le principe du tirage au sort de ces comités pour leur participation à un essai a été établi. Mais elle attend depuis 4 ans son décret d'application. Un projet d'ordonnance de la loi Jardé devant selon son auteur entrer en vigueur fin 2016. En attendant « le principe de la répartition aléatoire des protocoles, seul à même de garantir l'indépendance des CPP, est ainsi resté lettre morte » déclare le président de séance.

Une commission nationale des CPP
Le fait est que les 39 CPP répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain, présentent des fonctionnements et des moyens très hétérogènes avec des budgets allant de 50 000 à 270 000 euros. « Certains instruisent plus de 100 demandes par an, quand d'autres n'en ont qu'une trentaine à traiter » remarque la socialiste Catherine Génisson (Pas de Calais). « 40 % des essais dans l'Union européenne sont réalisés, non par des laboratoires, mais par des universités, fondations, hôpitaux et réseaux de recherche, relève du reste Michel Amiel (RDSE Bouches du Rhône). Cela pose la question d'une unification, ou du moins d'une coordination sous l'égide du ministère de la Recherche. »
« Une Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine chargée de la coordination, de l'harmonisation et de l'évaluation des comités sera installée dès que le décret d'application de l'ordonnance sera publié », annonce en réponse sur ce point, Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Et de préciser que « L'instauration d'une procédure de répartition des essais par tirage au sort suscite des oppositions » alors que« le Gouvernement est attaché à un tirage au sort « intelligent », pour tenir compte des compétences des CPP ».
Une coordination européenne jugée « nécessaire »
La rémunération des essais pose aussi question, même s'il est entendu par tous qu'un dédommagement s'impose. Mais dans quelles mesures pour ne pas dévoyer le volontariat en activité lucrative ? « Une personne qui participe à un essai peut recevoir jusqu'à 4 500 euros de compensation. Le plafond est parfois plus élevé chez nos voisins, ce qui peut inciter certains à franchir la frontière », relève Catherine Génisson. Olivier Cigolotti (UDI, Haute-Loire) évoque, lui, « un gigantesque business. Il y avait 20 000 personnes en France à prêter leur corps à la science ; majoritairement des étudiants et des retraités à faible pouvoir d'achat. » Et de tous s'accorder sur un point : « une harmonisation européenne est nécessaire ». Patricia Schillinger (Socialiste, Haut-Rhin) suggère dans cette idée de « fixer un plafond européen de rémunération » et pour rendre possible son application « un registre européen des personnes » participants à des essais cliniques.
Renforcer le protocole d'alerte
Pour Corinne Imbert (Les Républicains, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes), une autre nécessité s'impose pour la protection des volontaires : modifier le protocole d'alerte. « Les laboratoires ont l'obligation de signaler tout cas suspect. Je propose d'étendre cette obligation aux hôpitaux. Les changements de cohorte doivent être encadrés et non décidés arbitrairement par les laboratoires », souligne-t-elle, largement applaudie.
Jean Desessart (Europe Écologie Les Verts, Paris) s'inquiète lui d'une « balance bénéfices-risques trop souvent déséquilibrée » des essais cliniques, estimant que « trop de médicaments sont mis sur le marché sans présenter d'amélioration majeure pour le patient, quand ils ne sont pas dangereux. »
Ségolène Neuville revient en conclusion sur les « atouts formidables » dont dispose la France : « six instituts hospitaliers universitaires ont mené 1 500 essais thérapeutiques entre 2012 et 2014. Nous sommes leaders dans l'oncologie et les maladies rares ». Et d'insister sur l'ambition du Gouvernement « d'assurer à nos concitoyens une sécurité totale pour les médicaments innovants et leur participation aux essais cliniques et, dans le même temps, faire de la France un champion de l'innovation en santé ». 

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