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vendredi 6 mai 2016

Le plan Paris sans Sida se décline auprès de cinq groupes spécifiques de population



Pour mettre fin aux transmissions du VIH à Paris en 2030, une stratégie a été développée pour concentrer les efforts autour de cinq groupes de populations précis. Pour chacun de ces groupes, une approche adaptée articule dépistage, prévention et lutte contre les discriminations.

Le plan Paris sans Sida prévoit l'extinction de la transmission du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) en 2030. France Lert, épidémiologiste de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a détaillé ce plan lors de la huitième conférence internationale francophone VIH/Hépatites de l'Alliance francophone des acteurs de santé contre le VIH (AfraVIH) à Bruxelles. "La modélisation prévoit une décroissance avant un arrêt de la transmission dans les quinze prochaines années", précise France Lert. La première étape du plan Paris sans Sida en 2030 se termine en 2020. C'est l'horizon fixé pour atteindre la cible des 90-90-90 (voir encadré).

Les 3x90 

En France, comme dans le monde, pour lutter contre le VIH, les 3x90 sont présentés comme un objectif à atteindre. Ils se déclinent en trois volets :
  • 90% des personnes infectées sont dépistées ;
  • 90% des personnes dépistées suivent un traitement ;
  • 90% des personnes traitées ont une charge virale contrôlée.


Actuellement, 20 000 personnes vivent avec le VIH à Paris — soit 1% de la population. "Nous répertorions six fois plus de nouveaux cas que dans la moyenne nationale", alerte France Lert. L'épidémie reste active : entre 2013 et 2014, la contamination a augmenté de 20% chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Le plan déployé prévoit ainsi de continuer l'effort de dépistage et de prévention, classique dans les programmes de santé sexuelle, avec un combat pour l'égalité. "La stratégie prend acte que les populations subissent des discriminations homophobes et xénophobes", lance l'épidémiologiste.

Des alternatives à l'hôpital


L'épidémie est en effet concentrée sur deux groupes principaux : les HSH (52%) et les migrants étrangers (38%). La stratégie du plan prévoit des actions à destination de ces deux groupes, ainsi qu'à trois autres : les personnes qui vivent avec le VIH, les transgenres et les professionnels du sexe. "Des programmes ajustés aux besoins de chacune des populations qui ont des habitudes et des recours aux soins différents", estime France Lert.


Pour les personnes qui vivent avec le VIH, le programme prévoit de développer des alternatives à l'hôpital avec des expérimentations ou la mobilisation de médecins généralistes dans certains quartiers. France Lert souligne la nécessité de développer leur "intégration sociale", avec notamment une éducation thérapeutique hors hôpital pour appréhender tous les aspects de la vie quotidienne.


Pour les HSH, qui représentent plus de 50% des nouvelles infections, les stratégies préventives avancées s'orientent autour des notions de bien-être. "Le programme ne discute pas des modes de vie, il les accompagne avec un volet de promotion de santé mentale", assure l'épidémiologiste. Le programme comprend également une communication importante autour de la prophylaxie pré-exposition (Prep, lire ci-contre).

La Prep ne dispose pas encore d'autorisation de mise sur le marché

La prophylaxie pré-exposition a "changé la vision de la prévention avec une logique de bien-être et de santé sexuelle avec le choix de la prévention et de la protection", selon l'épidémiologiste France Lert. Le seul traitement Prep en France est le Truvada, qui dispose d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU) de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Les rapports de cette dernière soulignent le manque de données précises dans les études sur le traitement. "Une efficacité théorique très élevée dans les essais chez les HSH, des résultats inégaux chez les femmes", complète France Lert. Ce traitement est, dans le cadre de la RTU, entièrement remboursée par la Sécurité sociale, et prescrit uniquement par des médecins qui travaillent dans des services hospitaliers de prise en charge du VIH.


Cette composante se retrouve dans les stratégies développées pour les populations de migrants, qui proviennent majoritairement d'Afrique subsaharienne. "Une grande partie des infections ont lieu en France. Il faut apporter le dépistage, la Prep quand cela est nécessaire, et intervenir auprès des autorités administratives qui font des abus de pouvoir", résume France Lert.


D'après l'épidémiologiste, "le VIH n'est pas un problème central mais un problème particulier" pour les transgenres. Elle préconise, pour ce groupe de population, en plus de la lutte contre les discriminations, de soutenir "l'éducation par les pairs". Le rôle de la communauté est aussi centrale dans la stratégie à destination des travailleurs du sexe puisque la prévention et le dépistage, d'après la présentation de France Lert, se fera dans des lieux communautaires. Cet accompagnement, qui allie prévention, dépistage et lutte contre les discriminations, pourrait se voir décliner dans d'autres villes. Un volet international, avec les maires des villes francophones, est en effet adossé au dispositif.
Jérôme Robillard, à Bruxelles



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