À l'hôpital, 31% des directeurs avouent avoir déjà subi des discriminations. Dans son rapport rendu public ce 22 octobre, l'ADH s'inquiète d'"un certain défaitisme" chez ces dirigeants, 60% estimant qu'agir n'aurait rien changé. En revanche, ce travail vient, selon l'association, tordre le cou au cliché "chef discriminant/adjoint discriminé".
Selon un état des lieux de l'égalité à l'hôpital lancé le 10 juin dernier par l'Association des directeurs d'hôpital (ADH) et rendu public ce 22 octobre (à télécharger ci-contre), un tiers des directeurs d'hôpital ayant répondu à cette enquête (31%)* déclarent avoir déjà subi personnellement une situation de discrimination au cours de leur carrière. Et ce taux grimpe à 40% chez les femmes contre 21% pour les hommes. "Le problème n'est donc pas uniquement féminin, même si les femmes sont davantage concernées", souligne l'ADH, notant également que "la grande majorité des directeurs considèrent n'avoir jamais été victime de discrimination professionnelle". Quant à cette discrimination à proprement parler, arrivent dans le trio de tête pour les directrices le sexe (56%) puis la grossesse/maternité (40%) et l'âge (25,5%), dans une moindre mesure l'apparence physique (12%), puis ex aequo l'origine et la situation familiale (11%). Chez les directeurs, les critères sont d'abord l'âge (48%), les opinions politiques (24%) et le sexe (20%), suivis de l'origine ethnique (15%) puis ex aequo les convictions religieuses, les activités syndicales et l'origine (13%).
Le supérieur, le collègue, le partenaire institutionnel...
Autre enseignement de ce travail, dans la majorité des situations ces discriminations sont ressenties au quotidien (50%), constate l'ADH, ou apparaissent lors d'un souhait de changement professionnel : pour une évolution de carrière (43,5%) ou l'obtention d'une mutation (24%). Certains signalent également les avoir vécues au retour d'un congé (maternité ou maladie, 20%), pour accéder à une promotion (14,5%), obtenir une hausse de salaire ou une prime (13%), voire accéder à l'emploi lors du concours ou du recrutement (9%). À noter que dans près des deux tiers des cas, c'est le supérieur hiérarchique direct qui est mentionné comme l'auteur de la discrimination (63%), pour un tiers un collègue (30%). Viennent ensuite un partenaire institutionnel interne (syndicat, médecin..., 21%) et la tutelle (19%).
La tutelle, discriminant n° 1 des chefs d'établissements
Pour l'ADH, loin du cliché "chef discriminant/adjoint discriminé", son analyse des données par fonction au sein de l'hôpital ne fait pas apparaître de "critère différenciant". Ainsi, 32% des directeurs en chefferie déclarent avoir déjà été victimes d'agissements discriminants, un taux équivalent au 33% des adjoints. Toutefois, "ces discriminations n'interviennent pas dans les mêmes situations et [...] elles n'émanent pas des mêmes auteurs". En chefferie, les directeurs évoquent des cas, avant tout, sur l'évolution de carrière (63%) ou pour accéder à une promotion (33%), avec comme premier auteur la tutelle (48%) ou un partenaire institutionnel interne (33%)."Une certaine volonté de briser la loi du silence"
Par ailleurs, ce sujet des discriminations internes à l'hôpital demeure un sujet bien difficile à évoquer pour les directeurs. "Ainsi, plus de la moitié n'ont entrepris aucune action", relate l'ADH, alors que 23% ont fait appel au soutien syndical. Plus inquiétant, "un certain défaitisme semble habiter ceux qui ont déjà été confrontés à une situation de discrimination puisque plus de 60% considèrent qu'agir "n'aurait rien changé". Les autres raisons à l'inaction sont la crainte de représailles, les difficultés à prouver les faits, "une situation banalisée au sein de l'équipe de direction"... Un témoignage laisse ainsi entendre que "la discrimination envers les femmes enceintes est courante", avec de grandes difficultés évoquées à plusieurs reprises pour les jeunes femmes en âge d'avoir des enfants ou au retour d'un congé maternité. Un autre parle d'"un véritable déni de ces questions par les directions". Pour autant, "les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête soulignent une certaine volonté de briser la loi du silence, commente l'ADH, et les dirigeants hospitaliers semblent appeler à une prise de conscience de la profession".
Pour cela, ce n'est pas tant une politique nationale de lutte contre les discriminations dans les établissements publics de santé qu'il importe de mettre en place pour 51% des directeurs. Au contraire, il est plutôt "recommandé d'agir localement, en effectuant un travail quotidien de sensibilisation et en adoptant une attitude exemplaire". Les deux mesures les plus fréquemment citées sont les actions de sensibilisation et la formation des équipes (58%), ainsi que la mise en place de procédures de recrutement sur critères objectifs (42%). Et puis, à charge pour l'ADH, selon les sondés, de participer à l'élaboration de chartes ou de labels (44%), de guides (36,5%), de modules de formation (33,5%), de colloques (31%) et autres groupes de réflexion.
* Ce travail de l'ADH, sur trois semaines, porte sur 457 réponses, à 51% le fait de directrices. Les répondants sont à 74% adjoints et 19% chefs. Ils ont pour 40,5% de 30 à 44 ans.
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