Très absorbé, vous regardez un extrait de match de basket. Dans la mêlée confuse, il s’agit de compter le nombre de passes au sein de l’équipe blanche. « Quatorze ! », annoncez-vous fièrement. Mais n’avez-vous rien vu d’anormal ? Non, dites-vous candide. On repasse la vidéo : et vous découvrez, éberlué, un (faux) gorille qui traverse la scène.
« La majorité des gens ne perçoivent pas le gorille, s’amuse Stanislas Dehaene, spécialiste de neurosciences cognitives à l’Institut de la santé et de la recherche médicale et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.Ce test illustre la sélectivité de notre attention visuelle et les limites de notre conscience. » C’est l’un des 40 tests interactifs qui permettront au visiteur de la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, d’évaluer les performances, mais aussi les fantaisies et les failles de sa propre « machine à penser ». « C3RV34U, l’exposition neuroludique » débute le 16 septembre et s’installe à demeure à la Cité des sciences. Petite mise en abyme, le titre illustre nos aptitudes à la lecture : pour lire le juste mot, notre cerveau compense les lettres manquantes, remplacées par des chiffres.
« Nous avons voulu créer une ambiance onirique, un peu surréaliste, pour favoriser cette plongée de notre cerveau en lui-même », raconte Stanislas Dehaene, expert pour cette exposition.
L’atmosphère semble inspirée de L’Homme au chapeau melon de Magritte. Mais ici, le chapeau a été remplacé par une linotte, perchée sur un cerveau démesuré. « La métaphore de l’oiseau a été utilisée dans toutes les civilisations : l’oiseau, c’est l’esprit qui s’envole, quand nous rêvons par exemple. Mais toute l’exposition le montre : l’esprit est chevillé au corps. Ce dualisme du cerveau et de la pensée est vraiment dépassé. »
EN DEUX VOLETS
« Notre parti pris a été de dire aux visiteurs : “Venez avec votre cerveau !” » Un premier volet est dédiée à la structure du cerveau à toutes ses échelles : anatomique, cellulaire et subcellulaire. Maquettes, films et vidéos interactives à l’appui, nous appréhendons ce qui se passe sous notre boîte crânienne : nous voyons notamment les circuits de neurones en action, avec un zoom sur les synapses, ces connexions entre neurones sur lesquelles reposent nos capacités cognitives et mnésiques.
Le deuxième volet se veut un « espace expérimental ». Nous y testons, par exemple, l’étonnante confusion que fait parfois notre cerveau entre notre main de chair et une prothèse en caoutchouc. Nous voyons ce que voit un bébé aux premiers âges de la vie. Nous expérimentons diverses illusions visuelles, dont l’explication nous est ensuite livrée…
C’est un éclairage ludique sur ce double visage de notre cerveau, avec ses capacités innées d’apprentissage de la lecture ou du calcul, sa conscience aiguë de lui-même, mais aussi ses hallucinations ou ses illusions. Un film drolatique clôt l’exposition : il révèle les finesses de notre « cerveau social », qui nous permet de deviner les pensées d’autrui – « Je sais que tu sais que je sais qu’il sait… ».Une des performances cérébrales les plus fascinantes de notre espèce.
« C3RV34U, l’exposition neuroludique », à partir du 16 septembre à la Cité des sciences et de l’industrie, 30, avenue Corentin-Cariou, Paris 19e.
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