29 OCTOBRE 2014
Dans la France d’aujourd’hui, un enfant de cadres a quatre fois plus de chances qu’un enfant d’ouvriers de devenir cadre. Et l’école n’y peut rien. Car même à diplôme égal, le second aura toujours moins de chances que le premier de devenir cadre… Tout autant que sur l’emploi, le quinquennat Hollande sera jugé sur la lutte contre les inégalités qui nourrissent le sentiment d’injustice de toute une partie de la jeunesse.
C’est la dernière enquête du Cereq (le Centre d'études et de recherches sur les qualifications) qui nous livre ces tristes statistiques. Les experts du Cereq ont étudié la situation en 2013 des jeunes sortis de formation en 2010 (appelés «la génération 2010»), et qui ont alors rejoint le marché du travail. Les conclusions sont sans appel: la reproduction sociale fonctionne à plein tandis que l’ascenseur social, lui, est grippé.
Grâce aux études Pisa de l’OCDE, on savait l’école française championne des inégalités - elle est celle où les origines socio-économiques pèsent le plus dans la réussite scolaire des élèves. Avec le Cereq, on a la preuve que ces inégalités persistent jusqu’à l’entrée dans le monde du travail.
Quelques chiffres tiennent lieu de démonstration:
Trois ans après leur sortie de formation (de l’école, de l'université, de CFA…),
- 57% des jeunes ont «un accès durable à l‘emploi» (ils ont un travail et n’ont pratiquement pas connu de chômage). Mais ce taux est de 71% chez les enfants de cadres et de seulement 55% chez les enfants d’ouvriers ou d’employés, et de 51% chez les jeunes issus de l’immigration (avec leurs deux parents nés à l’étranger)
- 27% des jeunes dont les parents sont ouvriers sont au chômage, contre seulement 11% de ceux ayant des parents cadres
- 39% des jeunes ayant un père cadre sont eux-mêmes devenus cadres contre seulement 9% des enfants d’ouvriers
- 58% des jeunes ayant des parents ouvriers ou employés sont devenus ouvriers ou employés
- il faut dire que plus le milieu social est favorisé, plus le jeune est diplômé: 75% des enfants de cadres sont ainsi diplômés du supérieur, contre 22% des enfants d’ouvriers
- mais même à diplôme équivalent, les uns et les autres n’ont pas des chances égales. Avec un bac plus cinq ou au delà, 72% des jeunes issus d’une famille de cadres ont le statut de cadre, contre seulement 60% des enfants d’ouvriers ou d’employés
Les catégories qui apparaissent les plus discriminées sont outre les enfants d’immigrés, les jeunes vivant dans les Zus (zones urbaines sensibles), ces quartiers qui accueillent des populations pauvres et souvent d’origine étrangère.
Là encore, les chiffres sont parlants.
Trois ans après leur sortie de formation et leur entrée dans la vie active,
- les jeunes vivant en Zus sont 34% à être au chômage, 12 points au dessus des jeunes vivant hors Zus
- il faut dire qu’ils sont nettement moins diplômés: 29% quittent le système scolaire sans aucun diplôme, contre 16% hors Zus
- à même niveau de diplôme, ils restent handicapés: de bac plus 2 à bac plus 4, 15% sont au chômage, soit quatre points au dessus des jeunes vivant hors Zus
- s’ils ont juste le bac, c’est encore pire: 31% sont au chômage, contre 21% hors Zus
- même avec un emploi, ils sont désavantagés: 57% occupent un CDI contre 66% hors Zus…
Les trois ministres successifs de l’Education nationale – Vincent Peillon, Benoît Hamon et aujourd’hui Najat Vallaud-Belkacem - ont tous souligné que ces inégalités étaient insupportables. A mi-mandat présidentiel, rien n’est encore joué. Mais là aussi, il faudra «inverser la courbe». Et là aussi, ce n’est pas gagné
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