Comment est organisée la préparation à Ebola dans les établissements ? Pourquoi, une telle psychose, est-elle justifiée ? Quels sont les points faibles de cette préparation ? Guillaume Gandoin, infirmier aux urgences de l'hôtel-Dieu et un des référents sur les questions relatives à Ebola, nous répond.
Une psychose se développe chez les soignants. Sont-ils tous concernés pas le risque d'une prise en charge d'un patient atteint d'Ebola ?
Les soignants sont également des individus. Quand la psychose se développe, ils se posent des questions, d'ailleurs plus encore que les autres car ils sont soignants.
Mais il faut relativiser. Il y a plusieurs catégories d'infirmières, dans ce contexte.
Tout d'abord, celles qui travaillent dans les services infectieux des hôpitaux référencés peuvent se retrouver en contact d'un cas suspects ou avérés.
Elles ont l'habitude de prendre en charge des pathologies infectieuses hautement contaminantes et il n'y a pas de problème majeur de manque d'information ou de ressenti de manque d'information.
Ensuite, certaines travaillent dans des lieux qui sont des portes d'entrée potentielle de patients atteints, sans tri préalable. C'est le cas des urgences, des maternités ou des consultations de précarité.
Dans ces services, des procédures sont mises en place par les comités d'hygiène et de sécurité. A l'Hôtel-Dieu, la cellule de crise qui découle du déclenchement du plan blanc contribue à déployer les procédures dans les services.
Ensuite, la difficulté est de mettre en oeuvre ces procédures dans des services où chacun a déjà son travail quotidien. En outre, ces procédures arrivent souvent sans information complémentaire sur la pathologie, ses modes de transmission...
Enfin, il y a les services de psychiatrie, de chirurgie, par exemple, où les patients arrivent après un passage chez le médecin. le risque est alors mineur et proche de zéro.
Ces personnes n'ont pas besoin d'équipements spéciaux comme dans les services infectieux car elles ne pratiquent pas directement des soins. Tous savent qu'il faut, en cas de doute, éviter le contact, isoler le patient et appeler le 15.
En revanche, il ne faut pas exclure ces soignants de l'information et mettre à disposition des kits Ebola simples (casaque de bloc, charlotte et gants).
Il ne faut pas exclure non plus de l'information et de la formation les IDE libérales, moins à risques mais qui peuvent tout de même être amené, du fait de leur situation de premiers recours, à avoir des patients demandant des conseils ou revenant de zone à risques.
Où sont les points faibles ?
C'est notamment le flux de l'information. Cela demande du temps et pour expliquer dans les services ciblés et nous manquons de personnes formés pour expliquer, faire passer l'information. Il y a un vrai temps de retard entre les décisions en comités d'hygiène, entre les réunions de cellules de crise et le moment ou l'information descend jusqu'aux soignants.
Ce délai peut paraître insupportable. En outre, la connaissance du virus, les décisions quant aux prises en charge, les techniques, le matériel, évoluent. Au début, il y a eu un certain flottement car nous étions
Informer, cela contribue à faire baisser la psychose. Il ne faut pas oublier, non plus, que ces soignants, même s'ils ne font pas partie du personnel à risque, sont aussi, eux-mêmes des vecteurs d'information face à la population.
Il faut informer pour rassurer les soignants. Mais tout le personnel se pose des questions, y compris le personnel administratif qui est, par exemple, à la caisse.
La question qui se pose, c'est comment monter en puissance dans l'information pour tous. Le ministère devrait peut-être envisager des flashs infos ou spots télé.Certes, il ne s'agit pas de refaire les mêmes erreurs que celles commises lors de la grippe H1N1.
Qu'en est-il de la formation ?
La difficulté, c'est d'avoir des référents bien formés, car les formateurs forment les référents qui eux-même forment le personnel.
Côté formation, il est certainement plus intéressant de cibler pour bénéficier de référents très compétents et très performants qui eux-mêmes délivrent ensuite leur savoir sur le terrain plutôt que de faire de la formation de masse.
Il existe des formations d'une journée dans le cadre des CESU (centres d’enseignement des soins d’urgence). Le point essentiel, c'est l'habillage - mais nous connaissons ce problème car nous nous protégeons déjà pour protéger les patients - et surtout le déshabillage. C'est une procédure compliquée.
Certains connaissent les procédures en cas de risque de contamination chimique, mais en cas de problème au déshabillage, il y a toujours la solution de la douche. Là, c'est un virus !
Nous avons aussi l'expérience de la prise en charge de tuberculeux avec des risques de contamination plus élevés car la transmission se fait également par les voies aériennes mais cette pathologie se soigne...
Propos recueillis par Cyrienne Clerc
Martin Hirsch communique sur EbolaTous les hôpitaux parisiens devront informer les personnels sur "les procédures mises en place pour la gestion de cas suspects", a indiqué Martin Hirsch, le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dans une note datée du 16 octobre, adressée aux directeurs de groupes hospitaliers.L'AP-HP détaille ainsi un ensemble de mesures, "conformes aux instructions nationales", destinées en priorité aux personnels des services d'urgences, des maternités et des consultations de maladies infectieuses, "les plus concernés par l'accueil de patients suspects".Ces services doivent disposer d'au moins deux kits de protection, contenant chacun quatre tenues adaptées à la prise en charge des malades suspects, selon le message d'alerte rapide sanitaire actualisé diffusé par la Direction générale des soins (DGOS) en octobre."L'état des stocks" de ces tenues de protection "sera régulièrement actualisé", précise Martin Hirsch, ajoutant que "des tenues supplémentaires doivent être disponibles pour la formation".Un "correspondant formation Ebola" devra être désigné au sein des équipes concernées pour aider à la mise en œuvre de ce plan. Cette personne pourra elle-même suivre une formation dans un Centre d'enseignement aux soins d'urgence.
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