Par Nathalie Brafman
Orientation active, tests de niveau, détection des étudiants les plus fragiles, parcours individualisés, cours de soutien, boîtiers interactifs, cartables numériques… Les universités multiplient les initiatives pour favoriser la réussite de leurs étudiants. Il y a urgence. En licence, l'échec est massif. En première année, un étudiant sur deux échoue et seuls 26,3 % des étudiants inscrits en L1 en 2009 ont obtenu leur diplôme en trois ans. Mais c'est peut-être la pédagogie qui est à revoir. Le temps où l'étudiant écoutait sagement et prenait passivement son cours sous la dictée de ses professeurs est révolu. Les universités doivent s'habituer à avoir dans leurs amphis ces digital natives, nés avec un smartphone dans la main et capables d'interpeller leurs professeurs en plein cours après vérification sur le Web.
Aujourd'hui, il est sans doute temps de passer du professeur qui sait au professeur qui accompagne l'étudiant dans son apprentissage. « Du savant au pédagogue », pour reprendre les mots de François Germinet, président de l'université de Cergy-Pontoise, dans le Val-d'Oise. « Petit à petit, les universités prennent conscience qu'elles ne sont plus seulement un vecteur de la connaissance, mais aussi un lieu où l'on doit aider à assimiler», reconnaît-t-il.
Pour en finir avec le cours magistral, qui consiste pour les étudiants à gratter ou à taper sur leur clavier pendant que l'enseignant fait cours, de plus en plus d'établissements innovent. « Le problème du cours magistral est que l'enseignant va au même rythme pour tout le monde, mais ce n'est pas forcément le bon rythme pour tout le monde, relève Isabelle Olivier, vice-présidente formation et pédagogies numériques à l'université Joseph-Fourier (UFJ), à Grenoble. Or, nos étudiants nous reprochent d'être noyés dans la masse, d'avoir des enseignements anonymes, l'absence de suivi personnalisé et pas de suivi en termes d'acquisition. »
« FAVORISE L'ACQUISITION DE CONNAISSANCES »
Confrontée à une augmentation régulière de ses effectifs, l'équipe pédagogique a dû mettre en place des solutions pour accueillir dans les meilleures conditions ses étudiants. Ainsi, pour enrayer le nombre de décrocheurs – entre 25 % et 30 % en 2013 et 2014 – en première année de Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), et alors que les effectifs de ce cursus ont encore augmenté de 15 %, l'université a décidé pour la rentrée de dupliquer une expérience de pédagogie inversée mise en place en première année commune d'études de santé (Paces) depuis 2006.
Concrètement, les cours d'une durée de dix à quinze minutes sont disponibles en podcast. L'étudiant les visionne seul à son rythme. Il peut y revenir autant de fois qu'il le souhaite. Ensuite, il peut poser des questions sur un forum. Enfin, un échange est prévu en cours avec l'enseignant. Ces trois étapes se déroulent sur quinze jours. L'objectif de l'UFJ est d'augmenter d'au moins 10 % le taux de réussite. « Toutes les études montrent que cette pédagogie favorise l'acquisition de connaissances parce que l'étudiant est acteur de sa formation », affirme Isabelle Olivier.
Enseignant en informatique et chargé des innovations pédagogiques à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée (UPEM), Venceslas Biri utilise, lui aussi, la pédagogie inversée. Auparavant, lorsqu'il faisait cours, il utilisait des diapositives, aujourd'hui il propose à ses étudiants des séquences vidéo de cinq à quinze minutes mises en ligne par le biais d'une plate-forme.
« DE NOUVELLES MANIÈRES D'ENSEIGNER »
« Je leur demande de les visionner. Et je les préviens : s'ils ne le font pas, le cours n'a pas lieu. Une fois en cours, je fais des exercices pratiques. » Résultat : plus de 90 % des étudiants regardent les vidéos et la moyenne des interrogations a augmenté de 2,5 points. « Ce n'est pas une preuve, mais c'est au moins un indice qui nous montre que cette pédagogie intéresse les étudiants. »
Son université est engagée dans un dispositif, baptisé IDEA, animé par huit établissements dans le cadre des initiatives d'excellence en formations innovantes (Idefi), censé proposer des pratiques pédagogiques novatrices. « Par innovation, nous n'entendons pas forcément une forme d'avancée technologique. L'idée est véritablement de suggérer de nouvelles manières d'enseigner, différentes de notre perception traditionaliste de l'enseignement héritée de nos pairs », dit-il.
« CHANGER LA PÉDAGOGIE »
« Même en droit, on peut changer la pédagogie », assure de son côté Bruno Dondero, professeur de droit à Paris-I-Sorbonne. En L3, il se sert de la série « Les Soprano », qui met en scène un mafieux. « Pour leur expliquer la différence entre un contrat de prêt et un contrat de société, c'est idéal », affirme-t-il.
A l'université de Cergy-Pontoise, les amphis de 400 places ont disparu depuis des années. Dans les disciplines scientifiques, il n'y a plus de cours en amphi au premier semestre. Tout se fait en travaux dirigés avec des petits groupes de trente étudiants. L'établissement a aussi développé la pédagogie par projets. François Germinet estime néanmoins que, si elle est possible dans toutes les matières, elle ne l'est pas pour tous les étudiants. « Ceux qui ont moins de facilités risquent de perdre pied rapidement si on leur demande de construire leurs savoirs. Il faut des étudiants autonomes », estime-t-il.
Pour leur prérentrée, les étudiants de licence informatique, tous niveaux confondus, ont été un peu étonnés de devoir plonger dans la « piscine » pendant quatre jours. En petits groupes, les étudiants devaient travailler sur un projet. Discrets, les professeurs les observaient, les laissaient patauger et intervenaient en renfort. « Jouer le rôle du professeur sans l'être a été très enrichissant. On a fait attention à ne pas laisser les L1 sur la touche, raconte Mehdi Abdelwahed, étudiant en troisième année. Mais, comme le programme de physique de terminale était un peu loin pour nous, leur aide a été précieuse pour résoudre des petits problèmes. »
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