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mardi 16 septembre 2014

L’imaginaire, sa place dans la clinique 12ème journée d'études du CH Les Murets

Argumentaire

L’image joue un grand rôle dans le monde animal et l’éthologie vient nous dire que l’empreinte imaginaire dépend aussi bien de l’inné que de l’acquis. On voit par exemple (Lorenz) l’animal se mettre à dépendre de l’homme qui l’a nourri et élevé. Dans ses « Formulations sur les deux principes de la vie psychique », Freud, de façon très convaincante, décrit un nouveau-né hallucinant le sein et rencontrant l’échec de cette opération. L’hallucination, impuissante à apporter la satisfaction attendue, force l’enfant à passer par une épreuve de réalité. Freud suppose alors la mise en place de trois choses : la mise en fonction des organes des sens, de l’attention, et d’un système de marques.[1]  Notons que cette satisfaction hallucinatoire est sans doute la première prise dans l’imaginaire à quoi l’être humain est confronté : ici, par le biais d’un objet partiel, le sein.



L’accession, très tôt par rapport à ses capacités motrices, de l’enfant à son image spéculaire, a été décrite par Wallon en 1930. Normalien, agrégé de philosophie, puis psychiatre, Wallon avait soutenu sa thèse sur le délire de persécution, une forme d’aliénation où les phénomènes imaginaires sont particulièrement mis en valeur. Lacan reprend ces travaux pour décrire en 1936 le fameux stade du miroir où l’enfant s’identifie en s’aliénant du même mouvement à l’image, en même temps qu’il cherche l’assentiment de l’Autre et qu’il jubile. Cette appropriation de l’image comme sienne est un long travail, les phénomènes de transitivisme montrant le pouvoir conservé de l’aliénation par l’image : l’enfant qui voit l’autre tomber pleure, celui qui frappe considère que l’autre l’a battu. Cette aliénation vient dire que c’est « dans l’autre que le sujet s’identifie et même s’éprouve tout d’abord.
 »[2] À l’adolescence, nous trouvons, dans le même registre, l’épidémie de suicide du pensionnat, chacune des jeunes filles s’identifiant au désespoir de l’une d’entre elles. Plus tard encore, on trouve les phénomènes de contamination de masse depuis les convulsionnaires de la St Médard en passant par les mouvements de foule les plus divers et les plus variés. Nous avons à cœur, dans nos services, d’éviter ces phénomènes de contamination imaginaire, sachant combien un maniaque suffit à transformer à lui tout seul l’ambiance d’un pavillon, mais, au plus simple, mesurant combien nos patients sont sensibles à la façon dont on leur parle, les phénomènes de miroir pouvant aller jusqu’à l’échopraxie.
Lacan débat avec deux autres normaliens : Sartre, dont L’imaginaire est publié en 1940, et Merleau Ponty dont la Phénoménologie de la perception sort en 1944. L’image se fait trompeuse, il faut distinguer l’image réelle de l’image virtuelle, la perception paraissait dépendre étroitement de l’acte de percevoir, l’image va être structurée par le symbolique. Lacan, prenant appui sur Hegel puis Heidegger s’éloigne de Merleau Ponty avec ce primat du symbolique sur l’imaginaire.
Imaginaire, symbolique, manque le réel dont Lacan fait l’impossible à supporter. Comment situer les rapports du réel et de l’imaginaire ?
Avec la construction de l’objet pulsionnel (le regard est ajouté par Lacan à la liste des objets pulsionnels), l’image doit être trouée, décomplétée, sinon elle vous regarde. La castration doit avoir fait son travail sur l’objet scopique, le regard, sous peine que ce dernier vienne supplémenter l’image du monde. Dans ce dernier cas la persécution scopique est garantie, formant un des signes les plus constants des psychoses. Le regard ajouté à l’image, cela peut aller jusqu’au délire d’observation, la certitude délirante d’être sous les caméras dans les gestes les plus intimes de sa vie, voire que l’image dans le miroir prenne vie dans certains cas de psychose infantile. Mais Freud le faisait remarquer dans « L’inquiétante étrangeté »,[3] parfois, l’image du plus familier (heim) acquière cette touche inquiétante d’unheimliche, d’étrangeté angoissante où une touche de réel vient se manifester dont l’angoisse est la traduction manifeste.
L’imaginaire, c’est aussi la matière des délires comme des rêves, matière propre à toutes les inventions, matière qui a le pouvoir de rendre incertains tous les semblants les mieux établis : sexe, filiation, corps, race, etc.
L’imaginaire a une affinité avec le corps, ce que l’hystérique incarne avec son bras dont la paralysie ne suit pas les territoires anatomiques, mais aussi bien l’hypocondriaque embarrassé de la turgescence d’un organe.
Enfin, l’image peut constituer un voile à l’horreur, une suppléance, voire une prothèse quand elle prend la figure d’un proche dont la fonction d’étayage est patente. Nous aurons à cœur d’en mesurer ces aspects thérapeutiques.

D. Wintrebert


[1] Freud S., « Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques », Résultats, Idées, Problèmes, 1, 1890-1920, PUF, Paris 1984, p.137
[2] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », Écrits, Seuil, 1966, p.181
[3] Freud S., « L’inquiétante étrangeté », L’inquiétante étrangeté et autres essais, Folio, Gallimard 1985, p.209-263

Programme 
8h45 - Accueil

9h15 Ouverture de la journée – Mme Nathalie PEYNEGRE, directrice du CHM
Introduction – Dr Dominique WINTREBERT, CHM, chef du Pôle 94G02

9h30 - Première table ronde : « L’Imaginaire dans l’histoire de la psychiatrie »
Président : Dr Ghislaine BENDJENANA CHM, chef du Pôle 94G01
Discutant : Dr Jacques GLIKMAN, CHM, chef du Pôle 94G05

Pr. Jean GARRABÉ, psychiatre, historien 
« De la clinique de l'image à la clinique de la parole : naissance de la psychopathologie »

Dr Jérémie SINZELLE, historien
« L’imaginaire dans les classifications psychiatriques »

10h30 - Pause

11h - Deuxième table ronde : « Rêves, fantasmes, délires »
Président : Dr Hugues BOURAT, CHM, chef du Pôle 94G03
Discutants : Clémence THOMAZO, psychologue, CHM, Pôle 94G02
et Roseline GRANGIÉ, CHM, cadre du Pôle 94G02

Clotilde LEGUIL, philosophe, psychanalyste
« Vérité et fiction en psychanalyse »

Philippe KAENEL, responsable de l’exposition « Gustave Doré, L’imaginaire au pouvoir » au Musée d’Orsay 
« Le rêve romantique : caricatures et récits graphiques »

Gérard KLEIN, écrivain de science-fiction : « L’inconscient et la science-fiction »

13h - Déjeuner
  
14h - Interlude artistique - « Les flibustiers de l’imaginaire »

14h30 - Troisième table ronde : « L’imaginaire chez l’enfant et dans la clinique pédopsychiatrique »
Président : Dr Catherine DELMAS, CHIC,  chef du Pôle pédopsychiatrique 94I02
Discutants : Dr Leila BOUCHENTOUF, CHM, psychiatre au Pôle 94G02
et Abdenour KHELIL, CHM, cadre du Pôle 94G03

Dr Tristan GARCIA-FONS,  pédopsychiatre 
« Imagerie de l'enfance vs imagination de l'enfant »

Dr Patrick ALECIAN, psychiatre de l’adolescent
« L'imaginaire des adultes est il en guerre contre les adolescents ? »

Martine de MAXIMY, juge des enfants
« Le juge des enfants et l’imaginaire »

15h45 - Pause

16h15 - Quatrième table ronde : « L’Imaginaire dans la vie institutionnelle et chez le soignant »

Président : Dr Parviz DENIS, CHM, chef du Pôle 94G04
Discutants : Paula PROUHEZE, CHM, cadre du Pôle 94G04
et Patrick TOUZET, CHM, cadre de santé, Pôle 94G02

Dr Bernard SEYNHAEVE, psychanalyste, ancien directeur du « Courtil », Institution pour enfants autistes et psychotiques, Belgique
"Le monde des êtres parlants est fait à l'image de leur corps"
Dr Christophe Du FONTBARÉ, psychiatre, Clinique de La Borde
" La psychothérapie institutionnelle bien souvent chassée par la porte, peut-elle revenir par la fenêtre ?

17h15 - Conclusion de la journée – Dr Agnès GUÉRIN, CHM, présidente de la CME


Inscription et renseignements
- auprès du secrétariat du 2ème secteur 01 45 93 71 83 - ou par mail : aspic@ch-les-murets.fr
- ou par Fax : 01 45 93 71 04
- Personnel du CH Les Murets, invité sur inscription - Inscription individuelle :
- Inscription Formation Continue :
- Etudiant :

Repas de midi offert sur place 


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