Voilà qui devrait plaire à Michel Sapin, le ministre de l'économie à la recherche de 2 nouveaux milliards d'euros, qu'il espère trouver du côté de l'assurance-maladie – n'en déplaise à Marisol Touraine, son homologue des affaires sociales. La Cour des comptes, dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale publié mercredi 17 septembre, montre à nouveau qu'il existe des marges d'économies« considérables » du côté de la santé.
Les magistrats, qui s'inquiètent du « ralentissement de plus en plus net de la trajectoire de redressement des comptes », en profitent pour mettre à mal l'autosatisfaction des pouvoirs publics en matière de maîtrise des dépenses de soins.
- Une tenue des dépenses en apparence seulement
Pas la peine de se féliciter du fait que l'enveloppe octroyée aux soins n'ait pas été totalement dépensée en 2013. Certes, les dépenses de santé ont été inférieures aux prévisions de 1,4 milliard d'euros, un résultat sans précédent. Mais l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam), fixé à 175,4 milliards d'euros, était « peu contraignant », donc facile à respecter. Il a logiquement été « sous-exécuté », mais le rythme d'évolution des dépenses, lui, n'a pas ralenti.
En grande partie, les économies ne sont que d'affichage, du fait de biais de construction dans les prévisions, estime-t-on rue Cambon, où l'on a constaté « la constitution de marges de précaution à tous les étages » dans l'élaboration de l'objectif national de dépenses. La Cour juge nécessaire d'assurer une « construction plus rigoureuse » dans la durée, visant à rendre possible « une maîtrise plus effective et plus ambitieuse de la dépense ».
- Des négociations peu efficaces avec les professionnels
En France, l'Etat est chargé des hôpitaux, et l'assurance-maladie de la médecine de ville, dans le cadre de négociations conventionnelles. La Cour se montre très critique sur la capacité de celles-ci à répondre aux besoins des patients, en matière d'accès aux soins notamment, et à mieux assurer l'efficience des dépenses.
La dissociation des discussions avec les professionnels – médecins, pharmaciens, kinés négocient chacun de leur côté – et une action basée sur les hochets financiers relèvent en fait pour la Cour davantage de la tactique que d'une vraie stratégie de santé.
Dans le viseur de la Cour des comptes notamment, la rémunération à la performance des praticiens généralistes, qui s'est ajoutée au paiement à l'acte. Elle consiste au versement d'une prime (5 480 euros en moyenne en 2013) pour respect d'une liste d'objectifs (vaccination des patients, etc.), sans qu'aucune pénalité financière n'ait été prévue en cas de non-respect. Ce que regrette la Cour.
- Une promotion des génériques trop coûteuse
La Cour décrit un dispositif « à bout de souffle ». Pour elle, la politique de diffusion des médicaments génériques, basée uniquement sur les pharmaciens, génère des résultats « trop modestes » pour « des coûts trop élevés ». Entre 2007 et 2012, les incitations financières ont coûté 5,9 milliards d'euros. « Sur 2 euros d'économies potentielles, 1 euro est accordé aux pharmaciens », résume-t-elle.
La Cour juge qu'il est grand temps de responsabiliser les prescripteurs, ces médecins qui ont encore trop tendance à préférer les médicaments princeps (de marque) en notant « non substituable » sur les ordonnances, sans être sanctionnés. Elle ajoute que la politique des prix doit être améliorée, et le répertoire de génériques élargi. Sur les médicaments génériques, 2 milliards d'euros d'économies par an sont possibles, selon les magistrats.
D'autres sources de réduction des dépenses sont mises en avant : 250 millions par an pourraient être économisés sur les dispositifs médicaux (prothèses…), un poste de dépense très dynamique pour lequel les pouvoirs publics ont pour l'instant montré peu d'intérêt, ou 500 millions sur les urgences, en réorientant les cas considérés comme « non graves » vers les cabinets libéraux. Sans oublier la masse salariale dans les hôpitaux, dont la maîtrise est jugée « précaire ».
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