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jeudi 18 septembre 2014

Hélène Cixous, eve a naissance

ERIC LORET
Hélène Cixous, en septembre 2013.
Hélène Cixous, en septembre 2013. (Photo AFP)

CRITIQUE

L'auteure raconte la dernière année de la vie de sa mère, ancienne sage-femme, entre effroi du corps défait et jubilation d’une langue libérée.

C’est le livre qui n’aurait jamais dû arriver et celui qui doit arriver, nécessairement : celui de la mort de la mère d’Hélène Cixous, mort longtemps différée par l’écriture. Chacun ou presque des derniers récits de Cixous,Hyperrêve (2006), Ciguë (2008), Eve s’évade (2009), maintenait en quelque sorte à bout de texte Eve en vie, cette Eve née Klein en 1910, épouse Cixous, sage-femme de son état. On la voyait non pas décliner mais se poétiser, s’évaporer peut-être, buée déposée à l’intérieur de la page.

Homère est morte… est le récit d’une année d’agonie, c’est-à-dire de lutte. Ce qui frappe sans doute, c’est qu’écrit dans l’énergie de cet affrontement avec la mort, le livre ne raconte aucun deuil, aucun pleur d’après. Seulement la vie. Cixous transforme le mourir en vitalité : ceux qui ont connu comme elle le décès d’un proche au plus près, non pas par intermittence à l’hôpital, laissant l’aimé à d’autres, mais chez soi, instant après instant, l’amenuisement de la vie (mais toujours la vie, à la fin) jusqu’à l’impossible frontière, «au coin d’un temps sans minute»,reconnaîtront de quoi l’on parle.
«On est en reportage extrême», annonce Cixous. Sa mère est installée sous son toit, plus que jamais elle note toutes leurs conversations, la poésie involontaire du grand âge ou sa science invisible : «H. entre. E. - Ah ! La grande patronne. H. - Je viens reprendre mon souffle (j’écris depuis 5 heures du matin). E. - T’as raison. J’en ai besoin, de ton souffle. Déjà que moi je souffle du dernier trou. H. - C’est quoi le dernier trou ? E. - Je sais pas. Le dernier trou, on ne le connaît pas tant qu’on ne l’a pas eu.»

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