A 15 h 30, c’est la fin des cours à l’école primaire de Monticello, village de Haute-Corse. Mais pour les enfants, la vraie journée commence. Après les maths et le français, enfin les ateliers périscolaires. Ils font valser les chaises et se ruent dans la cour de recréation. Là, entre les toboggans et les babyfoots, des animateurs les attrapent au vol. Les élèves nagent, courent, chantent pendant une heure, puis reprennent le chemin de la maison.
Ouverte en 2012, l'école sert de « laboratoire » aux idées du chronobiologiste Hubert Montagner, l'un des « penseurs » de la réforme des rythmes scolaires. A la différence des 20 000 communes qui découvrent maintenant les ateliers périscolaires, Monticello les organise depuis mai 2013. « Il y a eu quelques cafouillages au début, mais on apprend vite, se félicite la directrice Stéphanie Mattei, tout le monde y a mis de la bonne volonté. »
L'environnement s'y prête. L'école est nichée au cœur d'un vaste complexe sportif. Un terrain de football borde l'établissement. A l'ombre des oliviers, des poneys se reposent. Une piscine publique agrémente le décor. Et bientôt, une ferme pédagogique, avec poules et lapins, sera aménagée sur une colline. « Le terrain nous appartient, explique l'adjoint du maire aux affaires scolaires, Jean Payen, une main en visière pour se protéger du soleil, l'autre pointant du doigt le maquis.. « Il n'y a plus qu'à amener les animaux. »
« ILS SE RÉVEILLENT EN DOUCEUR »
L'école ne se contente pas d'appliquer les nouveaux rythmes. Aux activités après la classe s'ajoutent des « activités avant la classe » : les professeurs ont sacrifié une demi-heure de cours chaque matin. De 8 heures 30 à 9 heures, les enfants ne sont pas en classe, mais dans le potager ou la cour de récréation. Ils s'adonnent à du jardinage, du chant choral, et bientôt, de la couture. « Comme ça, ils se réveillent en douceur, plaide la directrice. D'ailleurs, ils ne sont pas obligés de participer. » Une niche, comme celles pour les chiens, leur permet de se « réfugier de l'agitation extérieur ».
Prochaine étape ? Des vacances d'été plus courtes. Mais là, le chronobiologiste Hubert Montagner, à l'origine de l'emploi du temps de l'école, risque de perdre la bataille. « Il fait très chaud, on ne peut pas faire classe sous 30 degrés », se raidit la directrice.
M. Montagner estime la réforme des rythmes scolaires insuffisante. « Elle a été freinée par des parents et des enseignants qui ont défendu leurs propres intérêts, au détriment des enfants », estime-t-il. Le décret Peillon du 24 janvier 2013 impose des journées de 5 heures 30 maximum, contre 6 heures auparavant. Encore trop long pour M. Montagner. « Comment voulez-vous que les élèves se concentrent plus de cinq heures par jour ? », s'interroge-t-il.
« LES ENFANTS ONT BESOIN D'UNE RESPIRATION QUOTIDIENNE »
Et le décret Hamon du 7 mai 2014 assouplit encore plus le cadre de la réforme, permettant de rassembler sur une demi-journée les activités périscolaires. Or, « les enfants ont besoin d'une respiration quotidienne, d'un moment de détente pour libérer leur créativité », regrette le chronobiologiste.
S'il n'a jamais réussi à convaincre complètement les ministres de l'éducation successifs du bien-fondé de ses idées, il les prêche d'une commune à l'autre depuis des années. En 2007, il croise sur son chemin Hyacinthe Mattei, l'ancien maire de Monticello. Son fils, Joseph Mattei, a depuis repris le flambeau de la municipalité.
Les deux hommes prêtent une oreille attentive à ce personnage charismatique, avec sa barbe de trois jours et son sourire bienveillant. C'est le début d'une longue collaboration. A cette époque, l'école primaire de Monticello « n'en était même pas une, estime l'adjoint M. Payen, il n'y avait que cinq classes et peu d'élèves. »
Sur les conseils de M. Montagner, les Mattei ferment l'établissement en juin 2012. Une nouvelle école, labellisée bâtiment écologique, ouvre trois mois plus tard. Elle abrite une dizaine de salles et 170 élèves. Le mobilier y est ergonomique, adapté à la taille des élèves. Pour faire cours, les professeurs ont le choix entre la traditionnelle estrade ou de mini-amphithéâtres circulaires, « favorisant les interactions ».
« ILS VIENNENT À L'ÉCOLE LE SOURIRE AUX LÈVRES »
Une « salle d'expression » permet aux enfants de se réunir à l'écart des enseignants. « C'est leur espace, ils les invitent seulement s'ils le souhaitent », se réjouit Hubert Montagner. Les professeurs, eux, ont dû s'adapter : « Le train-train, c'est toujours plus facile que la remise en cause », témoigne Line Ambrogi, professeur de CP.
Et les élèves, sont-ils mieux et meilleurs en classe ? « Nous n'avons pas encore évalué les résultats de nos efforts, admet la directrice.Ce qui est certain, c'est qu'ils viennent à l'école le sourire aux lèvres. » Le mécontentement vient plutôt des communes voisines.« Elles nous reprochent d'être riches. C'est faux. Notre budget de fonctionnement est d'un million d'euros seulement. Nous avons juste une gestion rigoureuse et nous ne faisons pas d'économies sur l'école, martèle le maire Joseph Mattei. Quant à la réforme des rythmes scolaires, elle ne nous a coutée que 100 euros par enfant. »
Voir notre dossier d'archives sur les rythmes scolaires : Un si long débat
De son côté, Michel Barat, recteur de l'académie de Corse, est séduit. « C'est le plus bel établissement de France, assure-t-il. La commune est désormais plus réputée pour son école que pour Jacques Dutronc. » Le chanteur yéyé et ses innombrables chats ont élu domicile dans une gigantesque maison avec piscine, surplombant le village. Une attraction touristique qui vaut bien un détour à l'école de Monticello.
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