« Nul n’a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l’enfer. » (Antonin Artaud)
Dans son Paradoxe sur le comédien, Diderot défend l’idée –a priori contraire à l’opinion commune, d’où l’évocation d’un paradoxe– que pour émouvoir son public, le comédien n’a pas besoin de ressentir réellement les émotions ou les sentiments qu’il interprète : « C’est l’extrême sensibilité qui fait les acteurs médiocres ; c’est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes. » À propos de l’histrionisme « artistique » de certains patients, en germe chez certains comédiens, André Bourguignon [1] prenait toutefois le contre-pied de Diderot pour estimer qu’« on ne simule bien que ce pour quoi on est doué. » Quoi qu’il en soit, rappelons que l’étymologie du terme « hypocrisie » renvoie au mot grec pour «réplique » (de comédien), « faux semblant », « masque d’acteur. » Mais, rappelle The British Journal of Psychiatry, alors que de nombreux auteurs se sont intéressés aux « croyances populaires » sur les rapports éventuels entre « la créativité et la folie » (en écho à l’aphorisme d’Antonin Artaud), le cas des acteurs (actors) et des humoristes (comedians) demeure « largement négligé. »
Afin de tester l’hypothèse prêtant aux acteurs ou aux humoristes une éventuelle «ressemblance avec d’autres individus créatifs en montrant un niveau élevé de traits psychotiques associés à la schizophrénie et à la maladie bipolaire », une étude britannique a comparé les réponses à des questionnaires adressés à 500 humoristes et à 350 acteurs avec les scores observés dans la population générale. Ce questionnaire en ligne comprenait la version courte de l’évaluation O-LIFE.
Les auteurs observent que « les humoristes obtiennent des scores (de traits schizotypiques) « significativement plus élevés pour les quatre échelles » de l’évaluation O-LIFE. Impliqués le plus souvent dans des activités théâtrales, les acteurs ont des résultats « s’écartant également des normes, mais seulement pour trois des quatre échelles. » Le constat le plus frappant s’avère le score élevé des humoristes pour les items « concernant à la fois l’introversion anhédonique (introverted anhedonia) et l’extraversion impulsive (extraverted impulsiveness). » Pour les auteurs, les résultats de cette étude suggèrent que « cette structure de personnalité hors du commun peut contribuer à expliquer la prédisposition pour une performance comique. » Il est toutefois difficile d’apprécier « l’importance du fait que les humoristes écrivent généralement leur propre texte, contrairement à la plupart des acteurs. »
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Bourguignon
[2] The Oxford–Liverpool Inventory of Feelings and Experiences (Relevé Oxford-Liverpool des sentiments et des expériences) proposant une évaluation des traits schizotypiques :http://www.nelft.nhs.uk/_documentbank/oliver_mason_short_scales.pdf
[2] The Oxford–Liverpool Inventory of Feelings and Experiences (Relevé Oxford-Liverpool des sentiments et des expériences) proposant une évaluation des traits schizotypiques :http://www.nelft.nhs.uk/_documentbank/oliver_mason_short_scales.pdf
Dr Alain Cohen
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