L’actualité ravive la polémique entre les sages-femmes et deux organisations de médecins, la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) et le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF), adversaires de longue datesur la question de la prise en charge de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum.
Lors d’un conseil d’administration du SYNGOF, les médecins ont rappelé leur farouche opposition à l’expérimentation des maisons de naissance, structures pour lesquelles la Haute Autorité de santé (HAS) travaille à l’élaboration du cahier des charges et des recommandations de bonnes pratiques, attendus à la rentrée.
Anecdotiques en France jusqu’à l’adoption de la proposition de loi validant leur expérimentation à l’automne dernier, les maisons de naissance privilégient une prise en charge médicalement raisonnée de la grossesse (sans complication) et de l’accouchement, effectuée par des sages-femmes.
« Détournement de la surveillance des femmes »
Les deux organisations de médecins regrettent amèrement l’absence« sur site » d’anesthésiste-réanimateur, de gynécologue-obstétricien et de pédiatre. Dès lors, « la notion d’équipe médicale [des maisons de naissance] se résumera à une seule personne, bien moins formée à la responsabilité de deux vies humaines », jugent-ils.
Les négociations en cours sur la rémunération des équipes de soins leur donnent un second argument pour contrer les aspirations des sages-femmes sur le premier recours. L’un des enjeux de ces négociations porte en effet sur la réduction du nombre et de la durée des séjours hospitaliers (réhospitalisation des patients chroniques, sorties plus rapides de maternité) par une meilleure prise en charge coordonnée en ville.
Pour le SYNGOF, « les sorties précoces des maternités facilitent le détournement de la surveillance des femmes par les sages-femmes ».
Au sujet du programme d’accompagnement à domicile en sortie de maternité (PRADO), le Dr Jean Marty, président du SYNGOF, rapporte l’expérience de généralistes et de gynécologues médicaux qui, en sortie d’hôpital, ont « le désagrément de constater que leurs patientes restent suivies par les sages-femmes bien après le post-partum immédiat, pour le dépistage et la contraception, puisque les sages-femmes revendiquent même l’exclusivité de ces activités de premier recours ».
Dogmatisme et irresponsabilité
Ces propos ont provoqué la réaction courroucée du Collège national des sages-femmes (CNSF) de France, membre du collectif à l’origine dumouvement de grève pour la reconnaissance de la profession (par l’accès au statut médical de praticien hospitalier et un rôle plus central dans le premier recours notamment).
L’opposition « dogmatique », « irresponsable ou à défaut incohérent[e] »des médecins aux maisons de naissance « et ce dès le stade de l’expérimentation, est une attitude totalement rétrograde de nature à hypothéquer la santé de la mère et de l’enfant », écrit le Collège.« Devons-nous faire la liste des maternités où il n’y a pas de médecins 24 heures/24 sur place mais d’astreinte opérationnelle à son domicile ? »
Sur le suivi en ville et l’éventuelle perte de patientèle déplorée par certains médecins généralistes et gynécologues médicaux, les sages-femmes s’interrogent : « Se posent-ils seulement les bonnes questions ? »
Le CNSF souligne que les différents spécialistes médicaux et les sages-femmes possèdent un socle de compétences partagées avec des« limites et des spécificités à considérer ». « Mais ni le suivi de la grossesse au-delà de sept mois ni l’accouchement ne figurent au référentiel métier des gynécologues médicaux », ajoute-t-il.
La FNCGM et le SYNGOF sont depuis février sous le coup d’une plainte du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes auprès de l’Ordre des médecins pour « propos malveillants ». Faute de conciliation, l’affaire est toujours en cours d’instruction.
Anne Bayle-Iniguez
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