Connu notamment pour sa célèbre « échelle métrique de l’intelligence » élaborée en collaboration avec son élève Théodore Simon (1873–1961) et présentée pour la première fois en avril 1905 au Congrès International de Psychologie de Rome, le psychologue français Alfred Binet (1857–1911) a laissé une œuvre capitale sur les liens entre pédagogie et psychologie. Certes, le titre de sa communication au Congrès de Rome (« Méthodes nouvelles pour diagnostiquer l’idiotie, l’imbécillité et la débilité mentale ») est suranné, puisque le terme de « déficience intellectuelle » (ou cognitive) a supplanté désormais les étiquettes qui qualifiaient le handicap intellectuel (appelé aussi jadis « oligophrénie »).
Mais la préoccupation majeure de Binet conserve toute son actualité : comment articuler l’objectivité nécessaire de la démarche scientifique (inhérente à la méthode expérimentale promue par Claude Bernard) avec la subjectivité liée au contact clinique avec un individu particulier, chaque « cas » représentant un être humain portant sa propre histoire ? Autrement dit, comment concilier la sécheresse statistique des « échantillons de population » en général avec l’empathie requise pour parler précisément de sujets singuliers ?
Relatant l’exhumation récente (dans un fonds d’archives de l’université d’Akron, en Ohio, aux États-Unis) d’un manuscrit inédit d’Alfred Binet, rédigé en 1904 et intitulé « L’éducation psychologique de l’instituteur », un universitaire canadien nous invite à redécouvrir l’œuvre de ce pionnier de la psychopédagogie. Ce manuscrit renferme notamment une affirmation d’une actualité permanente : « L’instituteur est, qu’il le sache ou non, comme un propriétaire de terrains dans lesquels il y a des mines d’or. » Sous la seule réserve de remplacer le terme de « propriétaire » par un autre (concessionnaire, travailleur…) suggérant qu’on forme les élèves mais sans viser pour autant à diriger leurs consciences, on ne peut qu’approuver la volonté de Binet d’élaborer une « pédagogie scientifique » où pédagogie et psychologie s’enrichissent mutuellement, la pédagogie offrant à la démarche scientifique de la psychologie « la dose d’éthique nécessaire à son application efficace à l’homme vivant. »
Dr Alain Cohen
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