our Claude Halmos, psychanalyste et écrivain, le traumatisme vécu par les enfants de l'école maternelle d'Albi, qui ont vu leur maîtresse tuée à coups de couteaux vendredi matin, est « majeur ».
Selon cette disciple de Françoise Dolto, spécialiste de l'enfance et de la maltraitance, leur processus de reconstruction risque d'être long.
Quelles conséquences un drame pareil peut avoir sur les enfants ?
Claude Halmos : Ce que ces enfants viennent de vivre est un traumatisme majeur. Le propre d'une scène traumatique est de surgir brutalement dans le quotidien, on n'y est pas préparé, donc la soudaineté de l'événement est d'une violence inouïe. Une telle scène est de l'ordre de celles que les enfants en voient en règle générale dans les films et les cauchemars, mais celle-là est arrivée dans la réalité. Le psychisme humain, celui d'un adulte ou d'un enfant, n'est pas préparé pour assumer cela. C'est comparable à un attentat : on le vit tout en étant en partie déconnecté de soi-même, sans en être conscient en quelque sorte. C'est un réflexe de survie. Donc quand on dit de façon générale que l'on va mettre en place une cellule de secours pour permettre de parler, les gens imaginent à tort que cela va résoudre tous les problèmes.
Le but d'une cellule de soutien, comme il doit y en avoir une à Albi, est de débriefer ce qui a été vécu, comme au retour d'une prise d'otages. Les enfants vont mettre des mots pour évacuer la scène qu'ils viennent d'absorber. Ensuite, il reste à expurger toute la partie vécue sans en avoir été conscient. Cela demande une thérapie. Peut-être que certains vont s'en sortir simplement en parlant avec leurs parents, on le leur souhaite. Mais les traumatismes reviennent de façon récurrente, par des angoisses, des cauchemars, etc.
Concrètement, comment se passe la prise en charge ?
Le thérapeute doit être un témoin. Il faut que l'événement qui est raconté prenne sens pour celui qui écoute, pour renvoyer à la réalité de l'expérience. Cela ne peut prendre forme que si le thérapeute qui est en face croit à ce qui a eu lieu. Après avoir parlé avec les psychologues, les psychiatres, qui sont en train de les aider, les enfants vont partir en vacances. C'est vraiment un cauchemar de penser que leur dernier jour d'école est marqué par ça. Ils vont sans doute parler avec leurs parents : on peut d'ailleurs vivement conseiller à ces derniers d'être au maximum à l'écoute. Et si les enfants ne se sortent pas du traumatisme s'il y a trop de cauchemars, il faudra qu'ils soient pris en charge individuellement, en espérant que les psys qui vont les recevoir auront la pratique de ce genre de travail.
Quelles séquelles sont à craindre à long terme ?
On ne peut pas savoir. Si vous ou moi prenons un gros coup de marteau sur la tête, on ne sait pas très bien ce que ça va nous faire : cela dépend du marteau, de notre tête et de l'endroit précis où il aura frappé. Que l'on soit adulte ou enfant, c'est pareil. S'il y avait eu une dame de service dans la classe, elle aurait été traumatisée de la même manière. Les enfants ont néanmoins une façon d'« imaginariser » les choses qui est différente de celle de l'adulte. La question désormais est de savoir comment ils pourront se reconstruire, et surtout s'ils le pourront. Ils ont vécu une grave blessure. L'école et les parents vont tout faire pour les aider, mais ce qu'ils viennent de vivre est horrible. Et il faut penser à la petite fille de la femme qui a porté les coups de couteaux. Si elle était dans la classe, on peut se demander comment elle peut s'en sortir.
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