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vendredi 16 mai 2014

Vincent Lambert : les 4 rapports ont été remis au Conseil d’État

16/05/2014

Après l’expertise médicale rendue par les Prs Marie-Germaine Bousse, Lionel Naccache et Jacques Luauté, le Conseil d’État a désormais en main les quatre avis qu’il avait sollicités pour statuer sur le sort de Vincent Lambert, en état pauci-relationnel à la suite d’un accident de la route, en 2008. L’Assemblée du contentieux avait saisi le 14 février dernier l’Académie nationale de médecine (ANM), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) pour avoir leurs observations écrites, de caractère général, sur les notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie, notamment pour des personnes en état pauci-relationnel. L’enjeu n’était pas tant de s’exprimer sur le cas précis de Vincent Lambert, que d’éclairer le Conseil d’État à rendre sa décision, d’ici l’été.

CNOM : qu’est-ce que déraisonnable ?

Le CNOM insiste d’abord sur la singularité de chaque cas, qui requiert une réponse spécifique de la part du médecin, seul responsable. La question qui se pose à lui est « à partir de quand cette obstination de bien faire, soutenue par le principe éthique de bienfaisance, pourrait-elle devenir déraisonnable ? »

La question est délicate, surtout lorsque le patient ne peut dire la souffrance. Le CNOM, comme les deux autres instances, insiste également sur la porosité entre les états végétatifs chroniques et les états pauci-relationnels, porosité à l’origine d’errances diagnostiques.
Il propose plusieurs critères qui, réunis, définissent l’obstination déraisonnable : en cas d’une situation de maintien artificielle de la seule vie somatique, lorsque cet état a été confirmé au fil du temps, dans la plus grande transparence, selon les données actuelles de la science, alors qu’aucun signe clinique ou d’investigation ne permet de nourrir l’espoir d’une évolution favorable. Le CNOM rappelle en outre qu’une fois prise la décision d’« interruption des moyens artificiels maintenant la seule vie somatique », une sédation profonde doit être mise en œuvre pour accompagner la personne.

Leonetti : à la recherche de la volonté du patient

Dans sa contribution, Jean Leonetti rappelle que 70 000 traitements de survie ont été arrêtés depuis la promulgation de la loi qui porte son nom du 22 avril 2005 et reconnaît qu’elle s’applique sur des malades en fin de vie ou non.
Après avoir proposé une définition de « l’obstination déraisonnable »(inutilité du traitement par rapport à un son effet escompté – donc en ce sens la nutrition et l’hydratation artificielles peuvent devenir disproportionnées), Jean Leonetti insiste sur les deux éléments qui doivent présider à la décision de limitation ou d’arrêt des traitements, revenant au seul médecin. D’abord, la volonté exprimée du patient doit être recherchée. Le cas échéant, la personne de confiance et les directives anticipées expriment l’avis antérieurement exprimé du patient. En leur absence, le témoignage de la famille et des proches doit permettre d’évoquer des « directives anticipées orales ».
En outre, la situation médicale doit être évaluée grâce aux techniques les plus performantes.
Si le maintien de la vie reste l’objectif fondamental de la médecin, « tout ce qui est techniquement possible n’est pas humainement souhaitable »écrit Jean Leonetti.

Académie de médecine : le droit de la personne ne doit pas être soumis à la capacité relationnelle

Les observations de l’Académie nationale de médecine tranchent par leur ton réfractaire à tout arrêt des soins. Elle se refuse à faire la distinction entre état végétatif chronique et état de conscience minimal (pauci-relationnel), estimant que cela conduirait à considérer que parmi les personnes ayant survécu à un accident, « celles n’ayant pas retrouvé une capacité relationnelle, si minime soit-elle, ne sont pas en vie, ni même en survie, mais maintenues artificiellement en vie ». « Il ne saurait y avoir là pour les médecins quelque justification que ce soit à prendre l’initiative de transgresser l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui », poursuit-elle, réaffirmant d’une part que l’arrêt de la vie en réponse à une demande volontaire à mourir n’est pas un acte médical et, d’autre part, que le droit de la personne à recevoir des soins (y compris hydratation et nutrition) n’est pas subordonné à sa capacité relationnelle.
Elle insiste sur le rôle du médecin, qui doit procéder à une consultation collégiale « authentique » avant de se prononcer sur l’existence d’une obstination déraisonnable. Et, constatant que les conflits familiaux sont rares mais éclatent souvent en cas d’inadaptation de la structure accueillant le malade, l’Académie formule le souhait d’un maillage réel du territoire en établissements de soins prolongés.

CCNE : Pour une délibération et une décision collective

Dans son avis très fouillé, le CCNE remet en cause la responsabilité qui incombe au seul médecin dans la décision. « Le terme de procédure collégiale peut donner l’impression d’une procédure de délibération collective, mais tel n’est pas le cas. (...) Le médecin prend sa décision seul après avoir consulté les différents intervenants et avoir recueilli leur avis », lit-on.
Mais l’incertitude domine à plusieurs niveaux : la personne est-elle« hors d’état d’exprimer sa volonté » ? Est-elle dans une phase avancée d’une affection grave et incurable ? Souffre-t-elle ? Qu’a-t-elle exprimé antérieurement en terme de volonté ? Est-on dans une situation de handicap ? Que sont des traitements raisonnables, utiles et proportionnés ?
Face à ces interrogations, le médecin se trouve juge et partie puisqu’il doit d’une part décider d’un point de vue médical s’il y a ou non obstination déraisonnable et apprécier les avis divers de l’entourage.« La décision, dans une telle situation d’incertitude ne peut relever de la seule expertise médicale et pour cette raison ne devrait pas être prise pas le seul médecin », tranche le CCNE.
Le Comité, reprenant les arguments de son avis n° 121, recommande une modification de la procédure collégiale pour qu’elle prenne la forme d’une délibération collective, où seraient pris en compte « à part égale, et sans hiérarchie » tous les avis recueillis, avec possibilité d’une médiation indépendante en cas d’échec dans la conciliation.
Coline Garré

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