La maternité reste un élément fort de discrimination. 830 millions de travailleuses dans le monde ne bénéficient toujours pas de protection adéquate. 80 % de ces femmes se trouvent en Asie et en Afrique, et travaillent essentiellement dans les secteurs agricole, domestique, souvent sans être déclarées. Mais les Etats-Unis figurent aussi parmi les retardataires. Avec le sultanat d'Oman et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, ils font partie des pays à ne pas avoir d'obligation légale à verser des prestations durant le congé maternité, selon l'Organisation internationale du travail (OIT) qui présente, mardi 13 mai, un rapport sur « Maternité et paternité au travail »
Marie Holmes, 33 ans, une enseignante newyorkaise, vient d'avoir Olive, un nouveau-né qu'elle tient dans ses bras : « J'ai été obligée de retravailler après douze semaines de congé parce que sinon je perdais mon assurance maladie », explique la jeune femme. Ayant déjà du s'absenter pour la naissance de son premier fils, Max, quatre ans et demi, elle n'a pas eu droit à un congé rémunéré. « C'est le syndicat qui m'a aidée avec une allocation maternité, et les collègues qui m'ont soutenue quand je devais m'absenter parce que mon fils était malade », raconte Marie Holmes, dans une vidéo présentée sur le site de l'OIT.
DURÉE DE CONGÉ TRÈS VARIABLE
Trois conventions de l'OIT – l'agence tripartite des Nations unies qui regroupe les représentants des gouvernements, des employeurs et des syndicats de 185 pays – existent pour protéger la maternité. Mais les disparités régionales restent nombreuses.
S'agissant de la durée du congé de maternité, les pays les plus avancés se retrouvent notamment à l'est de l'Europe, « un héritage de la période communiste » pour Laure Addati, co-auteure du rapport et spécialiste de la protection de la maternité et de l'équilibre entre vie professionnelle et vie familiale à l'OIT. La Russie, les autres pays de l'ex-bloc soviétique, mais aussi le Royaume-Uni, l'Australie ou encore l'Italie proposent des congés de 18 semaines et plus. La France, comme la Chine, le Brésil ou encore le Canada, appartient à la catégorie des Etats proposant de 14 à 17 semaines. En 2013, 51 % des pays garantissaient au moins 14 semaines.
Cette « durée minimum » est conforme à ce que l'OIT, dans sa convention n°183 propose, avec un montant de prestations ne devant pas être inférieur aux deux tiers du gain antérieur de la femme. Selon l'OIT, 107 pays garantissent des prestations par le biais de régimes de sécurité sociale. « Mais, dans la pratique, l'absence de protection demeure l'un des enjeux majeurs de la maternité et de la paternité au travail aujourd'hui », constate Mme Addati.
CONTRATS EN BLANC
« En Italie, on a constaté que deux millions de femmes avaient perdu leur travail suite à leur maternité, poursuit-elle. Et 800 000 femmes ont été contraintes de démissionner parce qu'elles étaient enceintes, principalement après avoir dû signer des lettres de démission non datées lors de leur embauche. »Cette pratique – totalement illégale – des contrats en blanc, signés mais non datés, qui permettent à l'employeur de licencier un salarié, a cours dans de nombreux pays, selon l'OIT, comme en Italie, au Portugal ou en Croatie. Au Kenya, des femmes ont été contraintes de signer un engagement à ne pas tomber enceinte. Et au Honduras, des femmes de ménage se voient régulièrement soumises à des tests de grossesse pour obtenir un emploi ou le conserver.
« Ces pressions sont d'autant plus scandaleuses que dans cette période de vie particulière que représente la grossesse, une femme a d'autres priorités que de se lancer dans une guerre contre l'employeur, dit encore Mme Addati. C'est une période de grande vulnérabilité dont ne doivent pas profiter les employeurs. » Résultat, beaucoup ne portent pas plainte, les entreprises concernées ne sont pas sanctionnées et ces comportements perdurent. Au Royaume-Uni, souligne le rapport, 71 % des femmes victimes de ces discriminations, ne portent pas plainte, car la démarche coûte cher et les expose professionnellement.
AIDE PUBLIQUE
Les employeurs ne sont pas seuls en cause dans ce constat alarmant. « Il y a des mesures à mettre en œuvre, au niveau des Etats, pour aider l'entreprise à faire face à cette responsabilité, avance Laura Addati. Un système d'aide publique doit permettre aux femmes d'avoir des enfants et de concilier ce choix avec une vie professionnelle. »
« Je connais beaucoup de femmes qui ont décidé d'arrêter de travailler parce qu'elles n'étaient pas satisfaites par les indemnités de maternité, témoigne encore l'Américaine Marie Holmes. Je pense que, malheureusement, ce sera au gouvernement de les aider car il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui proposent ces prestations à leurs salariés. »
Par ailleurs, l'OIT a réuni pour la première fois des données sur le congé parental et le congé de paternité. Ce dernier est garanti dans la législation de 78 pays sur les 167 pour lesquels des données étaient disponibles. 47 % des pays octroient un congé paternité. Ce droit est le moins reconnu en Asie (37%) et au Moyen Orient (20%).
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