Un état de conscience « en dégradation » et une communication inexistante avec son entourage. Les professeurs Marie-Germaine Bousser, Jacques Luauté et Lionel Naccache ont rendu, lundi 5 mai, leur pré-rapport sur l'état de Vincent Lambert, commandé le 25 février par le Conseil d'Etat. Depuis un an, le cas de ce patient tétraplégique de 38 ans, victime d'un accident de la route en 2008, émeut la France et aiguise le débat sur la fin de vie.
Appelée à se prononcer en appel après que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait par deux fois ordonné le maintien de l'alimentation et de l'hydratation du patient sur le sort duquel sa famille se déchire, la haute juridiction administrative avait joué la carte de la prudence en sollicitant cette expertise médicale. Malgré quelques formules de précaution, les trois médecins décrivent un pronostic clinique sans réel espoir.
Entre le 5 mars et le 11 avril 2014, les trois experts en neurosciences ont soumis à neuf reprises le jeune tétraplégique, jusque-là diagnostiqué en état pauci-relationnel, à une batterie très poussée de tests et d'examens, notamment à la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Ils ont également consulté son dossier médical et mené des entretiens avec l'équipe du CHU de Reims, qui a en charge le patient, ainsi qu'avec différents membres de sa famille, et les médecins et avocats qui les entourent.
QUATRE QUESTIONS POSÉES PAR LE CONSEIL D'ÉTAT
Les experts devaient répondre à quatre questions posées par le Conseil d'Etat. A la première, qui portait sur la situation médicale du jeune homme et son évolution, ils indiquent : « L'état clinique actuel de M. Vincent Lambert correspond à un état végétatif. »Les spécialistes disent ne pas avoir « détecté de signe en faveur d'un état de conscience minimale », l'état de conscience diagnostiqué en juillet 2011 lors des examens menés au Coma Science Group du CHU de Liège. Pour les auteurs du rapport, cela suggère « une dégradation de l'état du patient ».
Invités à se prononcer sur le « caractère irréversible des lésions cérébrales » de Vincent Lambert, les trois médecins expliquent que les examens d'imagerie ont « montré une atrophie cérébrale majeure témoignant d'une perte neuronale définitive ». Les échecs de différentes tentatives thérapeutiques rendent, selon eux, « très peu probables les chances d'amélioration de l'état végétatif ».
Les médecins devaient également déterminer si le jeune homme communiquait, « de quelque manière que ce soit », avec son entourage. Les soignants du CHU avaient en effet fait état de mouvements laissant penser à un refus de soins, alors que ses parents avaient au contraire vu des signes de volonté de vivre.« Nous n'avons jamais pu obtenir la moindre forme de communication fonctionnelle, tranchent les auteurs du rapport.Les réponses comportementales de M. Vincent Lambert aux différentes stimulations ne dépassent pas le stade des réponses réflexes. »
« L'interprétation de ces réactions comportementales comme un vécu conscient de souffrance ou comme l'expression d'une intention ou d'un souhait à l'égard de l'arrêt ou de la prolongation du traitement ne nous paraît pas possible »,affirment-ils, en réponse à la quatrième et dernière question posée par le Conseil d'Etat, coupant ainsi court aux arguments avancés depuis plus d'un an par ceux qui plaident pour l'arrêt des traitements et ceux qui s'y opposent.
DÉCISION DU CONSEIL D'ÉTAT « AVANT L'ÉTÉ »
Comme pour prévenir toute interprétation de leur diagnostic, les experts concluent cependant par une mise en garde : « Le degré de l'atteinte de la conscience ne saurait constituer le seul élément déterminant de la mise en route d'une réflexion concernant un éventuel arrêt de traitement. »
Ces conclusions ont été envoyées aux deux parties, qui pourront y répondre, ainsi qu'au Conseil d'Etat. Outre l'expertise de ces trois professeurs, désignés sur proposition de l'Académie nationale de médecine, du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et de l'Ordre des médecins, la haute juridiction avait demandé à ces trois institutions d'apporter leur éclairage sur les notions d'obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique) et de maintien artificiel de la vie. Deux points essentiels de la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie qui sont au centre des débats autour du cas Vincent Lambert. Le député UMP Jean Leonetti a aussi été sollicité.
Fort de tous ces éléments, le Conseil d'Etat devrait se prononcer« avant l'été » sur le sort de Vincent Lambert. Une décision très attendue aussi parce qu'elle donnera un cadre pour les cas litigieux d'arrêt de traitement de personnes à la conscience altérée.
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