Dans l’idéal moral des sociétés démocratiques, tous les êtres humains se valent. Mais la nature est plus injuste, car nous ne réagissons pas tous de façon strictement identique aux aléas biologiques, y compris au contact des médicaments reçus. C’est pourquoi des efforts croissants sont consacrés, depuis plusieurs années, à des recherches visant à préciser l’incidence du contexte génétique sur la délivrance d’un traitement.
En psychiatrie, cette démarche intéresse notamment « la posologie des neuroleptiques, la réponse au traitement et la survenue d’effets indésirables. » Portant à la fois sur des gènes individuels et sur des associations pangénomiques, l’objectif de ces travaux serait de particulariser les prescriptions dans l’espoir de les optimiser, selon le profil génétique propre à chaque patient. Concrètement, on souhaiterait améliorer la prise en charge thérapeutique en s’efforçant de « prédire le résultat » de l’administration d’antipsychotiques, pour permettre ainsi des « stratégies de traitement personnalisées » qui supplanteraient les protocoles standardisés.
Réalisée à Toronto (Canada), une méta-analyse exploite des études disponibles dans la base de données PubMed jusqu’en 2012 et consacrées à la « pharmacogénétique de la réponse aux neuroleptiques et à leurs effets indésirables. » Les auteurs observent les résultats « les plus fiables » pour les associations concernant d’une part « les polymorphismes du cytochrome P–450, les transmetteurs de la dopamine et la sérotonine » et, d’autre part, « la posologie, la réponse au traitement et les effets intempestifs », surtout la prise de poids et la dyskinésie tardive liées aux neuroleptiques.
Les auteurs jugent ces résultats « solides et prometteurs » pour l’application des considérations pharmacogénétiques dans la gestion future des traitements neuroleptiques. Il faudra toutefois développer les recherches pour confirmer ces premiers résultats et « identifier de nouvelles variantes génétiques impliquées » dans la réponse de l’organisme aux médicaments antipsychotiques. ‘‘Non nisi parendo vincitur’’ disait en 1620 le philosophe Francis Bacon : on ne domine la nature qu’en se soumettant à ses lois. En l’occurrence, on ne pourra pas abolir les différences génétiques, mais on pourra peut-être mieux maîtriser leurs conséquences.
Dr Alain Cohen
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