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lundi 19 mai 2014

« Le taux d’hospitalisation des patients est divisé par deux »

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO 
Par 
Le docteur Yann Hodé, psychiatre au centre hospitalier de Rouffach (Haut-Rhin) et chercheur, est à l'initiative du développement du programme Profamille en France.
Pourquoi intervenir auprès des familles de schizophrènes ?
Rappelons d’abord que cette maladie mentale, qui apparaît le plus souvent entre 15 et 25 ans, touche 1 % de la population et se caractérise par plusieurs types de manifestations. Il y a des périodes de crise, avec une forte anxiété, associée à des idées bizarres ou des hallucinations. En dehors de leurs crises, ces patients ont de grandes difficultés à s’organiser dans le quotidien, avec une sorte d’apragmatisme et de « paresse » pathologique. Ils peuvent être négligents dans leur hygiène corporelle, vivre à un rythme très décalé…

Dans la société, ces signes sont rarement perçus comme des symptômes d’une maladie mais plutôt comme des traits de caractère, voire une tare. Pour les familles, c’est très déroutant et cela génère beaucoup de stress. Or, le stress des proches majore celui des malades, et l’épuisement des premiers est un facteur de rechute des seconds. Cela a été démontré pour plusieurs maladies chroniques, mais le lien est particulièrement fort dans la schizophrénie.
Ainsi, des études qui ont mesuré un score prédictif de dépression chez des parents dont les enfants étaient atteints de diverses maladies chroniques ont observé que c’est dans la schizophrénie que ce score est le plus élevé. Davantage de parents ont des symptômes dépressifs dans les familles où un enfant est atteint de schizophrénie que dans celles où il s’agit d’une mucoviscidose.
Comment le programme Profamille s’est-il développé en France ?
J’ai commencé à m’intéresser à la psychoéducation à la fin des années 1990, car j’étais convaincu qu’il fallait s’appuyer sur ce type de ressources extérieures pour le travail auprès des schizophrènes. Le principe de Profamille est né au Québec et a commencé à se diffuser en Belgique et en Suisse. J’ai pris contact avec ces équipes et nous nous sommes lancés, à l’hôpital de Rouffach. Un réseau francophone s’est créé, associant familles et professionnels. C’est une communauté très militante, qui se réunit une fois par an. Progressivement, nous avons amélioré et étoffé la formation, notamment en renforçant les outils pédagogiques et en intégrant des échelles d’évaluation. Il est en effet très important de pouvoir mesurer les effets de notre démarche : un groupe de parole ou de l’art-thérapie, c’est bien, mais ce n’est jamais évalué.
Où en est-on aujourd’hui ?
En France, une cinquantaine d’équipes proposent désormais cette formation, et au total entre 60 et 70 dans les pays francophones, avec de nouveaux venus comme le Maroc. L’efficacité de Profamille a été démontrée sur le plan scientifique. Pour des proches, le fait de participer à ces groupes diminue de 50 % le taux de dépression, et ce mieux-être persiste dans le temps.
Les bénéfices sont aussi patents chez les patients : dans une étude, leur taux d’hospitalisation est divisé par deux ; dans une autre, le nombre de jours d’hospitalisation est réduit d’un tiers. Nous avons aussi de magnifiques témoignages, comme celui de ce parent qui nous a dit : « Avant, j’avais un malade à la maison, maintenant j’ai mon fils. »
Quant au coût, il est de l’ordre de 25 000 euros, en locaux et en personnel, pour former un groupe de 12 personnes, c’est donc économiquement rentable. J’ai obtenu un soutien de la Direction générale de la santé, puis de l’Agence régionale de santé, mais il manque des financements pérennes.
Renseignements : profamillefrance@ch-rouffach.fr 

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