Chaque fait divers funeste impliquant un forcené (en particulier les meurtres de masse comme ceux survenant périodiquement aux États-Unis) renforce la « croyance en une dangerosité » systématique des malades mentaux, déplorent les auteurs d’une tribune publiée dans The Australian & New Zealand Journal of Psychiatry.
Pour certains, un « défaut de traitements alimenterait une hausse de cette conviction » sur le danger des sujets atteints d’affections psychiatriques. Quelques arguments sont avancés à l’appui de cette thèse : la plupart des passages à l’acte violents sont associés à une absence de traitement ; inversement, l’observance d’un traitement efficace « diminue les épisodes de violence ». L’agressivité de certains malades mentaux représente une cause importante de leur stigmatisation, généralisée de surcroît à la plupart d’entre eux par le public ; et à l’inverse, une réponse thérapeutique aux comportements violents permet de réduire cette stigmatisation, préjudiciable à tous les patients.
Autre facteur contribuant à la stigmatisation des « fous » : la présentation par les médias des actualités tragiques concernant un malade mental. Alors que la plupart des gens n’ont (heureusement) jamais eu affaire à un individu au comportement très agressif, voire meurtrier, « l’exposition médiatique » de tels actes de violence semble constituer un « moteur important de la croyance en la dangerosité » de tous les malades mentaux. Mais il existe probablement deux biais à ce sujet. D’une part, l’intérêt des médias est proportionnel aux nombres de victimes concernées : avec leur législation très libérale en matière d’armes à feu, les États-Unis ont ainsi, mécaniquement, un nombre plus élevé de faits divers, avec une issue plus dramatique que dans les pays où le meurtrier n’a pas aussi facilement un arsenal à sa disposition. D’autre part, les avocats chargés de défendre ces criminels s’efforcent d’établir « un lien avec une maladie mentale » pour pouvoir plaider l’irresponsabilité de leurs clients, d’où la profusion d’articles de presse tendant à « associer maladies mentales et violence. »
Comme on constate au contraire que les personnes ayant une « expérience directe » de la folie (soignants, familles) sont aussi « les moins disposées » à octroyer abusivement une dangerosité généralisée à tous les malades mentaux, il est certain que le combat contre la stigmatisation de ces malades ne fera pas l’économie d’une information objective sur la réalité des problématiques psychiatriques, loin du cadre passionnel de l’exposition médiatique des faits divers saillants.
Dr Alain Cohen
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