RÉCIT
Depuis 2010, la société Yoola se fait le tour-opérateur des personnes à mobilité réduite.
Installée depuis quatre ans dans une pépinière d’entreprises face au canal Saint-Martin, à Paris, Yoola fait voyager les handicapés. Une idée évidente à laquelle personne n’avait pensé avant que son jeune fondateur, Malik Badsi, n’innove en abordant le créneau du handicap comme un marché… éthique. Avec 65 voyageurs en 2010 et 800 deux ans plus tard, Yoola a connu un élan remarquable, dû en partie à la détermination de son créateur.
Pour parvenir à ses fins, ce dernier s’est posé dès 2007 les bonnes questions. Quels obstacles concrets s’opposent au voyage des personnes à mobilité réduite ? Quels moyens techniques et humains doit-on mettre en œuvre pour ouvrir l’aventure à tous ? La solution qu’il offre aujourd’hui lui a valu le prix Talents des cités en 2012 et le grand prix de l’Innovation de la Ville de Paris en 2013.
Facilités. Passionné de foot, le jeune chef d’entreprise opte dès le voyage inaugural de l’agence en 2010 pour un déplacement sportif complexe.«En choisissant l’Afrique du Sud à l’occasion de la Coupe du monde, je voulais mettre à l’épreuve la viabilité de mon projet tout en lui donnant de la visibilité», explique-t-il. Il défriche alors le terrain en s’adressant au plus important club de supporteurs handicapés en Europe - le Handi Fan Club de l’Olympique de Marseille. «Malik est venu rencontrer nos supporteurs pour un audit. On a listé toutes les étapes techniques qui posent problème lors des déplacements : l’accès au bus, aux avions, la voiture inadaptée ou l’hôtel mal équipé», se souvient René Poutet, président du club et lui-même invalide à 100%.
Malik Badsi entreprend de contrer les obstacles au voyage en tissant un réseau de prestataires fiables. Cela va de la société de transports qui s’engage à fournir des véhicules adaptés en passant par la compagnie aérienne qui doit honorer un accueil humain et respecter son quota de chaises roulantes en soute ou encore l’hôtel, avec les facilités d’accès annoncées comme l’ascenseur, la douche à l’italienne ou la chaise de douche.
Pour l’Handi Fan Club, devenu client depuis, il y a un avant et un après Yoola. Grâce au savoir-faire de l’agence, tout supporteur qui rêve de suivre un déplacement de l’OM est certain d’être exaucé. Comme le 26 novembre, lors du match Arsenal-OM où Yoola a pris en charge toute la logistique pour 36 personnes jusqu’à Londres. Certains ont vécu leur baptême de l’air.
«En tant que professionnel du voyage, je connais les obligations légales liées au tourisme. Je me contente de mettre mes interlocuteurs face à leur devoir, qu’il s’agisse du transporteur ou de l’hôtel», revendique Malik Badsi qui n’hésite pas à se déplacer au préalable pour vérifier l’accessibilité annoncée par les prestataires. C’est en s’imposant comme un levier social mais aussi économique que Yoola évite à sa clientèle bien des surprises à l’arrivée. «Je souffre d’une maladie rare qui touche les articulations, ce qui me permet de mieux comprendre les attentes de nos clients, voire de les anticiper», explique Sandra Arar, responsable clientèle chez Yoola, qui emploie quatre salariés. «Notre valeur ajoutée est la garantie d’une logistique qui soulage nos voyageurs de la pénibilité qu’occasionne pour eux le moindre déplacement». L’agence fait aussi du sur-mesure sans surcoût, avec la présence de personnel encadrant pour l’aide au lever et au coucher ou la fourniture de matériel médical.
«Bluffé». Avec une quinzaine de séjours, événements sportifs ou culturels par an, pour groupes ou individuels, il y en a pour toutes les bourses et tous les handicaps. «Yoola offre une logistique qui nous libère de la crainte du voyage. En trois ans, je n’ai jamais eu de mauvaises surprises. Tout est adapté jusqu’à nous faire oublier notre différence», confie Yvette Ruiz, 53 ans, une des premières clientes de l’agence. Victime d’une poliomyélite à 5 ans, elle ne voyageait jamais seule. Avec Yoola, elle a pris goût à l’aventure : tourisme culturel à Barcelone et New York, finale de la Ligue des champions à Wembley sans oublier les premiers émois de la Coupe du monde en Afrique du Sud. Confronté dès l’âge de 6 ans à l’invalidité de sa mère, Malik Badsi prône une approche du handicap sans le misérabilisme «qui n’apporte pas de solutions». Le déclic professionnel s’opère au cours d’une discussion avec un habitant du quartier populaire du Luth, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), où il a grandi. Son voisin se déplace en fauteuil roulant, mais les deux ont en commun l’amour du foot et l’envie d’assister à une Coupe du monde. Pourquoi pas celle de 2010 en Afrique du Sud ?
Avec sa licence pro technico-commerciale, Malik tisse son réseau.«Gérard Houllier, ancien sélectionneur de l’équipe de France, croisé dans un hôtel, m’a mis en contact avec le PDG de Match AG [société éditrice des billets de la Fifa, ndlr], Jaime Byrom, qui m’a promis 1 200 billets pour la Coupe du monde.» C’était la clé pour convaincre d’autres décideurs, dont Djamel Agaoua, un business angel qui a investi 35 000 euros dans Yoola en 2009. «J’ai été bluffé autant par la vérité de l’individu que par le modèle économique à vocation sociale», explique Agaoua. Puis vient le soutien de FinanCités à hauteur de 100 000 euros.
Depuis peu, Yoola s’est lancé dans le e-commerce avec la «Yoola Box» qui propose des activités - bien-être, loisirs, aventure ou sensation - classées par type de handicap. Prochaine étape décisive : le Mondial au Brésil, en 2014.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire